Chaque dimanche, Hervé Gattegno, directeur de la rédaction du "Journal du dimanche", livre son édito sur Europe 1.
Bonjour Hervé Gattegno. Pour vous, le fait politique de la semaine, c’est le bras de fer autour du Bac entre les profs grévistes et le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer. Les épreuves ne sont pas finies – le rattrapage commence demain ; mais si vous deviez faire un bilan politique de cet épisode, diriez-vous que c’est le ministre qui a gagné ?
Oui. Il a gagné en autorité et ses opposants, eux, n’ont pas gagné en crédibilité. En fait, Jean-Michel Blanquer a eu raison de ne rien céder sur le fond et il a été habile sur la forme. Il ne pouvait évidemment pas renoncer à sa réforme du Bac parce qu’une poignée d’enseignants radicalisés ont refusé de rendre les copies. Et c’était bien joué de sa part de contourner l’obstacle en remplaçant les notes manquantes par les notes de contrôle continu – d’autant que sa réforme prévoit déjà qu’en 2021, le contrôle continu représentera 40% du Bac. Donc non seulement les grévistes n’ont pas réussi à bloquer la réforme, mais d’une certaine façon, ils ont accéléré sa mise en œuvre…
Les enseignants qui participent à ce mouvement reprochent à Jean-Michel Blanquer de n’avoir rien voulu négocier et d’être "passé en force". Vous leur donnez tort ?
C’est un argument de tribune, de la pure dialectique. La réforme de Jean-Michel Blanquer, on la connaît depuis des mois ; ceux qui s’y opposent ont donné tous leurs arguments depuis longtemps – ils ne sont pas tous mauvais, d’ailleurs, mais par définition, les réformes qui touchent à l’école et à l’enseignement ne produisent pas de résultats avant des années ; donc sur quelles bases est-ce qu’il faudrait que le ministre dont c’est la responsabilité renonce à ce qu’il avait décidé ? Dans l’Education nationale, il y a toujours eu des profs pour refuser les réformes, alors qu’on sait bien que le système fonctionne mal. Donc on ne change rien parce qu’il y a des mécontents ? Dans cette affaire du Bac, c’est la caricature : pour qu’on ne touche pas au Bac tel qu’il est, les profs grévistes bloquent le Bac. S’il y avait une épreuve de logique, ça ne vaudrait pas la moyenne…
Beaucoup de dirigeants politiques (notamment de droite) réclament des sanctions contre les enseignants qui participent au mouvement. C’est la bonne solution ?
Le droit de grève doit être respecté, mais il y a aussi des obligations de service public. Donc refuser de surveiller ou de corriger, c’est possible. Mais confisquer les copies, ou même fausser les résultats en donnant le Bac à tout le monde au rattrapage, ça relève du sabotage. C’est malveillant, stérile, et c’est même stupide parce que le préjudice, ce sont les élèves qui le subissent (et par ricochet les parents), mais pas le ministre ni l’Etat.
Alors est-ce que ça mérite des sanctions ? Il y aura de toute façon des retenues sur salaires. Et si certains profs ne rendent pas les copies, ça peut être plus grave. Mais la vraie sanction, elle n’est pas là : les enseignants réclament des revalorisations – pour beaucoup, ils le méritent. Eh bien la conséquence de ce qui s’est passé cette semaine, c’est la dévalorisation de leur fonction. Et ça, ça ne se corrige pas au rattrapage