Chaque matin, Yves Thréard nous livre son analyse politique à quelques jours du second tour de l'élection présidentielle.
Et si Marine Le Pen gagnait dimanche ?
Ce n’est, bien sûr, pas l’hypothèse la plus probable, mais sait-on jamais ?
Le Pen victorieuse, on sait déjà que Nicolas Dupont Aignan, le rallié de l’entre-deux-tours, serait nommé premier ministre. Et que sa nièce, Marion Maréchal Le Pen, et son compagnon, Louis Aliot, ne seraient pas ministres. Famille et politique font mauvais ménage aux yeux des Français, selon la patronne du FN.
Trouverait-elle une majorité solide à l’Assemblée en juin ? Pas sûr du tout que l’effet mécanique jouerait pour obtenir 289 députés prêts à la suivre. Même avec des ralliements opportunistes. L’instabilité politique serait forte.
En cas de cohabitation, on imagine au FN un changement immédiat de la loi électorale (plus favorable avec la proportionnelle intégrale) qui serait soumis à référendum pendant l’été. Pour ensuite une dissolution de l’Assemblée et de nouvelles législatives. Sauf qu’il ne peut pas y avoir deux fois des législatives dans la même année et que, pour le référendum, le président est obligé de consulter son premier ministre. On voit mal un premier ministre de cohabitation lui faire ce cadeau !
Bref, Marine Le Pen serait dans une impasse.
Son élection aurait aussi des conséquences énormes sur les autres partis ?
Macron battu, il l’a dit, il conduirait son mouvement En marche ! aux législatives. Il n’a pas précisé s’il serait lui-même candidat. Inutile de dire que le soufflet retomberait vite car En marche ! est un parti de circonstance, fait de bric et de broc, qui résisterait mal à l’échec de Macron. Le PS en profiterait certainement pour prendre sa revanche et le concurrencer : les exilés d’aujourd’hui chez Macron seraient tentés par un retour au bercail pour prendre les commandes de la Rue de Solferino.
Mais ce sont surtout Les Républicains qui pourraient tirer les marrons du feu de la victoire de Le Pen. Quelques-uns la rallieraient sans doute. Mais la plupart repartiraient comme un seul homme, considérant que l’objectif d’une cohabitation serait à leur portée.
Macron battu, l’éclatement du paysage politique serait moins évident, le clivage gauche-droite reprendrait un peu ses droits.
Le Pen élue, mais sans majorité, c’est donc toute sa politique anti européenne qui serait remise en question.
Sa sortie de l’Europe et de l’euro est déjà loin d’être claire, mais là elle devrait sans doute abandonner son projet. Son élection pourrait être une victoire sans lendemain.