Chaque matin, Yves Thréard nous livre son analyse politique à quelques semaines de l'élection présidentielle.
Faut-il interdire la présidentielle aux petits candidats ?
C’est une petite musique qui monte chez certains beaux esprits : la présence des petits candidats dérangerait la campagne, empêcherait les Français d’aller à l’essentiel. L’organisation, pour la première fois avant le premier tour, d’un débat télévisé avec tous les candidats a fait germer cette idée. Comme si c’était à l’expression démocratique de se soumettre aux contraintes de la médiatisation, et non le contraire.
Les petits candidats, dit-on, ne seraient là que pour l’appât du gain : leurs frais de campagne sont effectivement remboursés à hauteur de 800 000 euros quand ils font moins de 5 % des suffrages et de 8 millions d’euros quand ils font plus de 5%.
Certes, l’État pourrait faire cette économie, mais comment décréter qu’un candidat est petit ou grand à partir du moment où il a ses 500 parrainages ? Pourquoi certains seraient moins représentatifs que d’autres ? En fonction de quels critères ? Si ce devait être le poids électoral de l’élection précédente, le PS pourrait être en danger pour 2022 puisque Benoît Hamon, cette année, est dans les profondeurs du classement. On imagine déjà les cris d’orfraie poussés rue de Solferino. A l’inverse, Emmanuel Macron, dont le courant n’existait pas en 2012, n’aurait pas pu se présenter. Bref, aucune sélection autre que celle du nombre de parrainages paraît satisfaisante.
Qu’apportent les soi-disant petits candidats au débat ?
Un brin de folklore bien sûr quand on entend aujourd’hui Jean Lassalle, le berger du Béarn, tout comme Marcel Barbu en 1965, que De Gaulle avait qualifié d’hurluberlu. C’est aussi la garantie de voir figurer à chaque présidentielle plusieurs trotskistes, reliques d’un temps jadis.
Mais, au-delà, cette année, le foisonnement des candidats plaidant pour la sortie de la France des traités internationaux et un retour à son indépendance montre que le souverainisme a le vent en poupe : Cheminade, Asselineau, Lassalle, Dupont Aignan occupent ce créneau, à l’ombre de Mélenchon et de Le Pen.
C’est bien la preuve que le clivage ouvert-fermé, mondialistes-antimondialistes est au coeur de cette élection, beaucoup plus que le seul clivage gauche-droite.
Les petits candidats peuvent-ils nuire aux favoris ?
On se souvient que la non qualification de Jospin au second tour de 2002 avait été en partie imputée à la présence de Taubira. Cette année, les voix allant à Dupont Aignan et Asselineau pourraient manquer à Fillon, voire à Le Pen. Mais c’est un peu facile de reporter la responsabilité de sa défaite sur les autres…