Chaque matin, Yves Thréard nous livre son analyse politique à quelques semaines de l'élection présidentielle.
C’est vraiment la campagne de toutes les approximations !
Au gré des sondages, des circonstances des critiques et de l’air du temps, les candidats varient et changent d’avis.
Le dernier revirement est de Mélenchon dont on avait cru comprendre qu’il voulait sortir de l’euro. Pas du tout, dit-il aujourd’hui. Marine Le Pen voulait réduire le solde migratoire à 10.000 entrées légales par an. La menace terroriste l’a fait changer d’option ces derniers jours : ce sera zéro migrant pendant un temps.
Fillon s’était fait élire à la primaire de la droite en affirmant que seuls les gros risques seraient pris en charge par la Sécurité sociale. Terminé et bien malin celui qui a compris comment il veut maintenant réduire les dépenses de la Sécu. Pareil pour le Revenu universel sur lequel Benoît Hamon avait gagné la primaire de la gauche. Il devait être versé à tout le monde. Trop cher, il ne sera versé qu’aux 18-25 ans. Macron promettait 60 milliards d’économies sur cinq ans. Depuis lundi, il prétend que ce sera 60 milliards par an.
Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup, disait la grand-mère de Martine Aubry.
Oui, et elle avait bien raison.
Il ne faut pas s’étonner après que la défiance monte chez les Français qui ont le sentiment d’être pris pour des gogos. La clé de l’abstention et de l’indécision des électeurs est aussi là, dans ce triste spectacle de l’improvisation, de l’approximation, et finalement de l’impréparation des candidats jusqu’aux derniers jours de la campagne.
Pour se distinguer, pour cliver, ils font la course à l’échalote du mieux-disant ou décident d’en rabattre subitement. En fonction des réactions et des sondages, ils ajustent, reviennent en arrière ou poussent le bouchon plus loin.
C’est une politique de l’émotion complètement irresponsable, démagogique, dont la France souffre depuis des années. Et c’est la raison pour laquelle notre pays fait du sur place dans la lutte contre le chômage de masse, l’endettement pharaonique ou l’excès de bureaucratie.
Est-ce aussi la raison pour laquelle aucun thème fort n’a dominé cette campagne ?
Sans doute. Aucun des favoris n’a réussi à imposer ses idées. Car aucun n’est vraiment audible. Même ceux dont on avait compris qu’ils voulaient sortir de l’Europe. On ne sait même pas s’ils le veulent vraiment. C’est grave.