Pendant l'été, chaque week-end, Laure Dautriche vous raconte l'histoire d'un chef-d'œuvre qui a été créé pendant un été. Ce dimanche, "La Flûte enchantée" de Mozart, composée durant l'été 1791.
Lorsqu'il écrit la première note de la Flûte enchantée, Mozart ne sait pas encore que ce sera son ultime opéra et qu'il ne lui reste que quelques mois à vivre. C'est l'un de ses amis, Emmanuel Schikaneder, directeur d'un théâtre à Vienne, qui lui propose de monter un opéra sur le thème de la franc-maçonnerie.
Mozart est depuis 6 ans un fervent franc-maçon mais la confrérie est alors menacée. L'empereur Leopold II est méfiant envers les francs-maçons. Depuis plusieurs mois, ils doivent se réunir clandestinement. Le moment est parfaitement choisi, doit penser Mozart pour faire comprendre que la franc-maçonnerie prône le vrai bonheur de l’humanité. L’opéra mûrit dans cet esprit. Ce sera son testament spirituel.
Pamino et Tamina. Mozart ne trahit, à l’époque, aucun signe de fatigue. Il n’y a aucune raison de penser qu'il n’a plus que quelques mois à vivre. Mais l'opéra doit être joué à la fin de l'été. Il faut travailler vite donc. Mozart veut que l'opéra plaise aux nobles comme aux petites gens. L’œuvre doit être populaire et grandiose. Dix changements de décors sont prévus. Les trappes, les appareils volants seront dissimulés sous des fleurs. Tout cela au milieu d’abord d’un décor de montagnes, puis de pyramides. Des montagnes envahiront la scène. Et la Reine de la Nuit apparaîtra sur un trône décoré d’étoiles étincelantes.
Pendant tout l'été, Mozart écrit sans relâche. Page après page, l'histoire se déploie, autour des deux personnages principaux, Pamino et Tamina, que l'on suit dans leur parcours initiatique. Il faut faire vite, la première représentation est prévue pour la fin de l'été, au mois de septembre. Le traitement de l'orchestre est colossal. Mozart varie les styles : de pages musicales complexes à des airs plus simples et populaires.
La trompette à l'honneur. En ce soir du 30 septembre 1791, bourgeois, commerçants, valets et servantes se pressent au théâtre. La salle est pleine. L’encre de la partition est encore fraîche, Mozart a terminé d’écrire l’ouverture dans la nuit. A 19h, le compositeur paraît sur scène. Il dirige son opéra assis au clavecin. Le rideau se lève, on aperçoit un temple maçonnique. Et Mozart met la trompette à l’honneur dès les premières mesures.
Sa musique mélange gravité et légèreté, sacré et profane, comique et tragique. Soir après soir, c’est un triomphe. Mais sa situation personnelle ne s’améliore guère. Depuis des mois déjà, Mozart a des problèmes d'argent. Ses opéras représentés partout en Europe rapportent des sommes considérables, mais il ne touche aucune part sur les recettes. Il n’est payé que s’il joue ou dirige sa musique.
Une fatigue brutale. Et puis les dettes s'accumulent parce qu'il dépense plus qu'il ne gagne. Et désormais le cercle d'amis autour de lui se rétrécit. Wolfgang fait des parties de billard, seul. Il prend le café, seul. Il fume la pipe, compose, fait chaque jour une promenade et se rend à pied au théâtre le soir.
Mozart ne prête guère attention à sa santé. Un jour, il ressent une fatigue brutale. Assis à la table d’une brasserie, il se trouve incapable de boire son verre de vin. A partir de cet instant, tout ne sera plus pour Mozart que souffrance. En rentrant chez lui, Mozart, à bout de forces, doit s'aliter... Définitivement.
La maladie s’aggrave de jour en jour. Bientôt elle va l'emporter. Et alors qu'il se met à l'écriture du Requiem sans pouvoir le terminer, c'est la Flûte enchantée qui inonde son esprit deux jours avant sa mort. Mozart aurait alors glissé à l'oreille de Constance, sa femme : "Je voudrais bien revivre encore une fois ma Flûte enchantée". Et il fredonna d'une voix presque imperceptible" un air de la Flûte enchantée : "Der Vogelfänger bin ich, ja".
