On y croit ou pas, mais le père Noël est l'être imaginaire le plus influent du monde.
Une guirlande qui clignote, une silhouette furtive derrière une vitre embuée, l’ombre de Tino Rossi, un bruit, un souffle de vent froid, un sapin qui frémit, le regard ébloui d’une petite fille un matin de Noël… Sage ou pas, on y a tous cru un jour ou l’autre. Il est passé par ici ou par là. Impossible… Pas de trace de semelle, pas de trace de traineau, pas une seule crotte de rêne dans le jardin… Et pourtant, la lettre, les cadeaux qu’on avait commandés... Le Père Noël, le plus grand mystère de la petite enfance. L’être imaginaire le plus influent du monde, celui qui, chaque année, tient en haleine des millions de tout petits et remplit à milliards les tiroirs caisses des marchands de décembre.
La tirelire est cassée. Quelqu’un a piqué un morceau de saumon fumé. Jamais chopé en flag. La piste d’un vieux, un barbu, rougeaud et à moitié obèse, qui se balade déguisé en rouge et blanc, comme les pin-up américaines des années 60. C’est l’inverse pour le costume, me direz-vous. Pas grave… On a tellement dit tout et n’importe quoi sur le Père Noël : qu’il n’existait pas, que c’était un personnage de roman, une création de Coca-Cola ou encore un agent du diable. D’autres ont évoqué un inconnu qui cherchait à se faire de l’argent à la sortie des grands magasins, d’un salarié de l’Etat finlandais, payé à ne rien foutre dans un parc d’attraction du cercle polaire. Sans parler des rumeurs relayées par les journaux satiriques, d’un gros dégueulasse alcoolo et exhib, ou, au contraire, selon d’autre sources, d’un petit gringalet moustachu, misérable et fielleux, une véritable ordure avec une certaine Zézette.
Autant de calembredaines, de ragots, d’inventions pures autour d’un personnage tout droit descendu du Grand Nord. Un descendant des vikings et de leur Dieu Odin, le roi des Dieux Nordiques, un gentil géant barbu et poète toujours monté sur un cheval à 8 pattes. Un magicien qui venait sur terre pour offrir des cadeaux aux enfants. Odin, très loin de Bing Crosby et de Gérard Jugnot. Odin, le Père Noël original. Sa trace se perd ensuite dans la neige et dans le temps, entre les mythes et les folklores des uns et des autres. Une vieille histoire floue et compliquée. Des ressemblances par ci, des analogies par là. Les païens et les Chrétiens à la même table : un Dieu celte avec une hotte et des bottes assis à côté d’un évêque né en Turquie au 3ème siècle, devenu Saint Nicolas après sa mort, un super-héros des temps anciens qui aurait ressuscité des enfants hachés menu par un boucher taré. Saint-Nicolas, le Saint Protecteur des enfants. Nous y sommes…
Saint-Nicolas, rebaptisé Santa Claus, une fois immigré aux Etats-Unis au début du 19ème siècle. C’est lui, c’est le nôtre, le petit Papa Noël de Tino Rossi avec ses beaux joujoux qu’on voit en rêve. Sans doute la fin d’une illusion pour certains qui pensaient que le Père Noël était Corse. Il est Américain. Un vieux yankee bedonnant, relooké rouge et blanc par les chansonniers et les caricaturistes new-yorkais. Un traineau, chargé de surprises, quelques rênes super-dociles et Father Christmas débarquera en France avec le Plan Marshal, juste après la Seconde Guerre mondiale.
Tout le monde lui ouvrira grand les bras. Un peu de merveilleux après tant de noirceur. Seule récalcitrante, l’Eglise, pour laquelle le vieux est un concurrent la nuit de la nativité. Un suppôt de Satan, un hérétique dont on brulera l’effigie sur le parvis de la cathédrale de Dijon le 24 décembre 1951. Depuis, Petit Papa Noël et le Petit Jésus font plutôt bon ménage, que ce soit dans les étables ou les chaumières.
Le scintillement d’une clochette. On éteint la lumière. Le marchand de sable va passer. Un traineau dans les étoiles, le regard émerveillé d’un petit garçon un matin de Noël… Si vous pas n’y croyez pas ou si vous vous n’y croyez plus, tant pis pour vous…