Marc Messier décrypte ce dimanche l'histoire de cette nécropole, dernière demeure des grandes personnalités françaises et mausolée de notre conscience nationale.
Le silence du marbre blanc, les fantômes passant d’un tombeau à l’autre, le balancement du pendule de Foucault : la preuve que la Terre tourne. Un mouvement au milieu des gisants, comme le symbole de la survivance de l’Esprit au-delà de la Mort. La Terre, un lieu de passage pour les génies qu’on enferme parfois dans des cachots, jamais dans des caveaux. Des grands hommes, des grandes dames, le Panthéon pour conserver leurs traces, leurs dépouilles, leurs cendres, parfois seulement leurs noms : un lieu de mémoire, le Panthéon devenu le mausolée de notre conscience nationale.
Le Panthéon ou la promesse d’un Roi, Louis XV, malade comme un chien, jurant à Sainte-Geneviève qu’il lui offrirait une Eglise, si elle le guérissait. Le miracle eu lieu, l’église fut construite. Une Eglise en forme d’une croix grecque sur une colline de Saint-Germain des Prés. La Montagne Sainte-Geneviève, du nom d’une jeune aristocrate gallo-romaine qui, du temps de Clovis, sauva Lutèce des griffes d’Attila. Ses hordes de Huns restés à la porte de la Capitale, Geneviève devenue la Sainte-Patronne de Paris et au premier coup de sifflet, celle des gendarmes.
Le choix de l’architecte, sans contre-pétrie : un certain Jacques-Germain Soufflot. Un archi-mégalo qui rêvait, au 18ème siècle de faire mieux que les antiques, plus majestueux, plus beau que le Panthéon de Rome édifié un siècle avant Jésus-Christ, de réunir, selon ses propres mots, "la légèreté de l'architecture gothique avec la magnificence de l'architecture grecque". Un mélange des genres et des styles pour un projet financé grâce aux loteries nationales de l’époque. Soufflot et Louis XV ne verront jamais le dôme de l’Eglise Sainte-Geneviève. L’architecte mourra d’épuisement et le Roi de la petite vérole, la camarde emportant avec le bien-aimé, son rêve secret de faire de la crypte du Panthéon, une nécropole pour les Bourbons.
Une église royale qui sera inaugurée par les sans-culottes en 1791. Les curés dehors, le Panthéon deviendra le temple des grands hommes de la liberté. Les premières cendres en sous-sol, les 1ers discours plein d’emphase, le premier à y entrer sera aussi le premier à en sortir : Honoré-Gabriel Riquéti, plus connu sous le nom de Mirabeau. Une "panthéonisation" éclair : quelques mois seulement, le temps que le bon peuple se rende compte que l’inspirateur de sa Révolution l’avait enfumé. Mirabeau conseillant secrètement Louis XVI, entre deux discours enflammés au Jeu de Paume. Une trahison ! Ses cendres finiront dans les égouts de Paris.
"Dé-panthéo-nisés" aussi, Marat et Lepelletier de Saint-Fargeau, vite ressortis les pieds devant. Les va-et-vient des dépouilles sous la révolution. Le Panthéon rendu à l’Eglise sous le Premier Empire, restitué au peuple lors des 3 Glorieuses. QG des communards en 1871, sous Napoléon III, c’est le 1er Juin 1885 que le Panthéon sera inscrit, pour toujours, dans le marbre de la République. "Entre Ici Victor Hugo", aurait pu déclarer Malraux ce jour-là. Hugo, l’homme océan rejoint, plus d’un siècle plus tard, en 2002, par son très cher ami Alexandre Dumas.
L’ombre d’un dôme orgueilleux, le péristyle des vanités, des tombeaux vides pour la plupart. Le Panthéon, un temple de symboles avant tout, un endroit d’hommes : 72 aujourd’hui pour seulement 4 dames. Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle-Antonioz, Sophie Berthelot inséparable de son célèbre mari Marcellin. Marie Curie, la chimiste aux deux Prix Nobels et son tombeau plombé au Panthéon. Son corps toujours radioactif, 50 ans après sa mort. Simone Veil sera la cinquième dame du Panthéon. Le silence du Marbre Blanc, le balancement du pendule de Foucault, la permanence de l’Esprit au-delà de la Mort.