Les histoires extraordinaires - Nadia Nadim, joueuse de foot danoise qui a échappé aux talibans

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Marc Messier nous brosse ce dimanche le portrait de Nadia Nadim, joueuse de foot danoise d’origine afghane.

Le seul voile qu’elle supporte est celui que forme la brume lorsqu’elle couvre le Danemark, le pays d’adoption de Nadia Nadim. Rien de pourri au Royaume de la Reine Margrethe, pas de burqa, pas besoin de se cacher lorsqu’elle joue au football. Ses cheveux libres, son visage rayonnant sur un stade. Loin de l’Afghanistan de son enfance, le pays des femmes fantômes, ou ses cuisses et ses bras nus, lui auraient couté la mort depuis longtemps. La lapidation, c’était le châtiment des Talibans pour ce genre d’indécence. La licence pas dans le même sens : Celle de la Fédération Danoise de Football lui ouvre désormais les plus grands terrains du monde. Nadia Nadim, la petite réfugiée Afghane est devenue, ces dernières années, l’une des plus fameuses championnes de soccer féminin.   

Le football, la passion de son père, un athlète, un type bien, un général de l’armée nationale assassiné par les Talibans en l’an 2000.  Un père fou de ses cinq filles, qu’il initia au dribble et au tir au but dès leur plus jeune âge. Des passes dans le jardin de leur grande maison de Kaboul. Des rires entre les arbres, des murs élevés empêchant les brigades talibanes du vice et de la vertu de voir ce qui se passait derrière. Le Sport "haram", illégal, interdit pour les filles, comme tout le reste. On ne s’est jamais fait attraper, racontera plus tard Nadia.

Son père, Rabena Khan, ne reviendra jamais d’un rendez-vous, un jour, dans un ministère.  Démocrate, forte tête, influent, en un mot : subversif, le général Nadim sera exécuté par les Talebs tarés de la Charia. La souffrance de sa famille. La peur. Les menaces. L’urgence de fuir le pays pour sa veuve Hamida et ses cinq filles. Nadia a 12 ans, le visage racé, les yeux très noirs et brouillés de chagrin. Les Nadim ont de l’argent et des cousins en Angleterre. La famille prendra l’avion pour le Pakistan, puis l’Italie.  Les camps de migrants, les faux papiers, les passeurs, la crasse, les biscuits pour ne pas crever de faim. Puis un camion promis vers la Grande Bretagne. Nadia, sa mère et ses quatre sœurs resteront enfermées des jours et des jours dans le coffre du semi-remorque. A l’arrivée, un camp de réfugiés à côté d’Aalborg dans le nord du Danemark, près du plus grand cimetière viking du pays, loin de leurs cousins exilés en Angleterre, encore plus loin des terres ocres et minérales des Cavaliers de Kessel. Le Danemark  d’Hans Christian Handersen  et de Karen Blixen. Un pays inconnu pour une famille perdue.

Le foot pour s’intégrer. Nadia a des bases solides, de belles dispositions et un sacrée pugnacité. Elle tape dans le ballon plus fort que les garçons et son  pied fait mouche presque à tous les coups. La bonne passe, le tir précis. Lors d’un petit tournoi régional, dans les gradins, un homme ne la quitte pas des yeux. Il est bluffé par l’habileté et la puissance de frappe de l’adolescente. Il s’appelle Brian Sorenson. Il va devenir son entraîneur et son mentor. L’asile politique, des passeports danois pour toute sa famille, on passera sur les noms imprononçables des clubs que Nadia enchaînera les uns après les autres, plus renommés à chaque fois.  Une flèche montante devenue une valeur sure puis une véritable star au Danemark.  De la défense centrale à l’attaque, Nadia Nadim sera la première étrangère de l’histoire à porter le maillot national Danois. Une perle des pelouses que les américains s’offriront en 2016, pour renforcer l’attaque de l’Equipe féminine de Portland, l’une des meilleures des Etats-Unis.

Revenue cet été à Copenhague pour disputer le championnat d’Europe Féminin. Nadia Nadim marquera l’un des 2 buts danois de la finale perdue face aux Pays-Bas. Une déception oubliée avec le contrat passé Manchester City, l’équipe championne d’Angleterre en Titre. Pas de problème  de langues : Nadia en parle neuf couramment : Le Danois, l’Anglais,  l'allemand, l’Arabe, l’Ourdou, le Hindi, le Perse, le Dari et le Français.  Quelques notions de chinois, qu’elle aimerait approfondir, un jour, lorsqu’elle en aura le loisir. Pas le temps pour l’instant, entre les entraînements, les matches et des études de médecine qu’elle a entamées il y a quelques années  pour devenir chirurgien, son autre rêve d’adolescente après le football. Les mains après les pieds, la chirurgie pour réparer les corps. Nadia Nadim n’a rien oublié. La guerre qui couve toujours là-bas. Les victimes toujours victimes, les salauds, plus au pouvoir mais toujours en embuscade. Un voile de brume au-dessus de sa tête. Le sourire de son père enterré quelque part dans son enfance. Une petite fille qui court derrière un ballon. Ses rires accrochés aux arbres de son pays : l’Afghanistan.