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Tous les samedis et dimanches, Vanessa Zhâ et Marion Sauveur nous font découvrir quelques pépites du patrimoine français. Aujourd'hui, on prend le large pour se rendre sur l’île morbihannaise de Belle-Île-en-Mer. 

On file prendre l’air du large et les embruns en ce week-end de grandes marées. On va se poser à Belle-Île-en-Mer.

Face à l’océan et même en première ligne, on se pose à la Pointe des Poulains chez Sarah Bernhardt. Vous vous demandez comment la star des planches de l’époque a pu atterrir à Belle-Ile-en-Mer ? C'est un de ses amis, le peintre Georges Clerin, qui a décidé de l’y emmener. Il avait été séduit par les peintures que Monet avait faites de l’île.

Quand Sarah arrive là-bas, sur cette pointe, bien exposée aux vents, elle a un véritable coup de coeur. Le Fortin est à vendre, donc elle l’achète ! Elle fait réaménager le fort, construire deux autres villas : les Cinq parties du monde (pour les cinq continents) et la Villa Lysiane. Et là, sa famille, ses amis et le beau monde (même le roi d’Angleterre !) y défilent. Elle organise des fêtes extravagantes, construit une ménagerie avec un boa, des félins, aménage un tennis bleu avec des balles oranges. Sarah Bernhardt va jusqu’a scénariser les ponts de vue sur l’eau comme le raconte Julien Froger, qui gère les espaces naturels de l’île.

"Il y a des escaliers qui descendent sur des petites criques secrètes, en-dessous du golf ou du côté de la baie de Quiberon, des fauteuils qu'elle avait taillés dans les rochers, avec le fameux siège de Sarah Bernhardt qui était évidemment des endroits où elle venait se poser pour regarder la mer, les vagues. Et des bancs aussi, sur le sentier des Bancs que l'on trouve entre la villa Lysiane et le fort lorsque l'on passe par le sentier côtier. On va avoir ici plein de bancs, qui ont chacun une orientation complètement différente. D'ailleurs, on voit encore, 150 ans après, le trou au sol où l'on posait le parasol."

Vous savez donc ce qu’il reste à faire : aller y planter votre parasol !

Et le Fortin et ses villas existent toujours ?

Oui, tout a étérénové et reconstitué. Un conseil : avant de vous immerger dans son intimité, il faut commencer par le musée. La scénographie est bien faite et c'est la voix de Fanny Ardant qui vous raconte le quotidien de Sarah Bernhardt sur l’île. Et il faut savoir qu’elle a fait beaucoup pour les Bellilois, c’est pour ça qu’ils l’appelaient "la Bonne dame de Penhouet".

Il y a d’autres lieux chargés d’histoire comme ça sur l’eau ?

La citadelle de Vauban au Palais, évidemment ! Et puis un autre monument que Vauban a construit et dont on parle peu. C'est dommage parce qu’il n’en existe que deux. Il s'agit d'une aiguade, une énorme réserve d’eau douce qui permettait de ravitailler les vaisseaux quand ils passaient au large de Belle-Île-en-Mer. Les Bellilois l’appellent la Belle fontaine. Et c’est aussi bien le monument en lui-même que le site naturel à pic sur l’eau qui valent le coup d’œil.

Et si on veut compléter son week-end marin à Belle-Île-en-Mer, qu’est ce que vous nous recommander ?

Du surf sur la plage du Donnant, ou de la voile aux Grands sables. Profitez en, il fait encore beau, l’eau est translucide là bas. Cela donne un petit coté Tahiti. Et puis comme adresses, j’en ai deux pour vous : les chambres d’hôtes de la villa Pen brad à Sauzon, et l'îlot Carton à Locmaria. Les murs, les commodes, les fauteuils : tout est en carton.

Marion Sauveur, on se pose à table et on mange du poisson ?

Et non, mais un crustacé vraiment atypique au bon goût iodé. Une sorte de doigt charnu noir avec quelques reflets rouges et un bec blanc au bout en guise de carapace. Les Bellilois l’appellent “bec rouge”. Mais il est plus connu sous le nom de pouce-pied. C’est LA spécialité de Belle-île, là où l'on trouve le plus grand gisement de ce crustacé en France. 

Au Moyen-Age, on pensait que c’était de jeunes oiseaux nés d’excroissances d’arbres magiques. Sa pêche est comme lui, particulière, comme me l’a expliqué Anne-Laure Gautrain. Elle vend les pouces-pieds au marché, pêchés par son mari et son fils. 

“Il aime les endroits où il y a un peu de marée et beaucoup de brassage d’eau, ça se pêche en bas des roches, à marée basse. Soit en bateau, on accoste. Soit descend la roche. C’est une pêche à pied et au burin et au marteau. Il faut casser la roche au pied des pouces-pieds pour enlever la grappe. Il faut trier, il faut avoir de la force, c’est sportif !” 

La pêche est très réglementée, limitée à une à deux journées par semaine. Les professionnels doivent avoir une licence et les particuliers sont limités à 3 kg de pouce-pied par jour. 

Comment ça se mange ? 

Sans trop de fioritures, pour bien sentir le goût des pouces-pieds, si c’est une première pour vous. Plongez-les dans une eau salée froide. Et quand elle bout, comptez une à trois minutes en fonction de la taille du pouce-pied. Pour donner un peu de goût à vos pouces-pieds, je vous conseille de les cuire dans un bouillon. Et certains les cuisinent à la marinière, comme les moules.

Il faut ensuite les décortiquer. Il y a une technique pour que ça n’éclabousse pas partout, parce qu’il y a un jus à l’intérieur. Il faut faire tourner le bec, tout doucement. C’est tout simple. Ils se mangent tièdes. Avec une tartine de pain et du beurre salé (On est en Bretagne !) ou froids avec de la mayonnaise. Ce n’est pas caoutchouteux, mais ils ont une texture de mollusque et un bon goût iodé, très long en bouche. 

Et où est-ce qu’on trouve une assiette de pouces-pieds à Belle-île ?

Au Palais, c’est la capitale de l’île. Près du port, vous pourrez en déguster au restaurant Le Verre à pied. Ils proposent des assiettes apéritives avec un verre de vin blanc. Sinon, le charcutier L’eau à la bouche vous sert une terrine de campagne aux pouces-pieds. C'est un mélange de porc et de pouce-pieds avec du vin blanc et des herbes aromatiques.

Enfin, vous en trouverez aussi sur le marché, le matin, si vous voulez en acheter pour les cuisiner. Anne-Laure Gautrin vend le résultat de la pêche de son mari et son fils sur le Bateau le Vazen. Dimanche et lundi, vous devriez pouvoir la trouver avec des pouces-pieds si la mer n’est pas trop agitée, puisque ce sont deux jours de pêche. Elle les vend 18 euros le kilo.