Tous les samedis dans l'émission Mediapolis, Claire Hazan revient sur l'actualité et la politique par le prisme des réseaux sociaux.
Claire, vous revenez sur cette campagne 2017, que vous avez suivie sur les réseaux sociaux. Depuis 2007, à chaque élection un nouveau réseau social vient bouleverser la façon dont les candidats font campagne. D’abord les blogs, puis Facebook, puis Twitte. En 2017, où est le changement?
2017, c’est une campagne en forme d’« orgie de réseaux sociaux ».
Les candidats se sont positionnés sur tous les nouveaux réseaux existants (et ils sont nombreux), ils ont joué à qui aura la plus grosse panoplie numérique et tartiné le tout d’une bonne couche de jeunisme effréné.
2017, c’est l’année qui aura rendu possible la carrière de youtubeur de JL Mélenchon, la partie de Pokemon Go de Bruno Lemaire, l’interview Snapchat d’Emmanuel Macron avec option filtre de panda ou truffe de caniche kawaï et j’en passe.
Oui, « vous en passez » parce ce que vous nous dites que tout ça finalement c’est gadget, que ces nouveaux réseaux n’ont pas, cette fois ci, modifié radicalement le visage de la campagne.
Non, et pour comprendre il faut comparer aux campagnes précédentes, qui ont connu, elles, de vraies ruptures.
2007, c’est l’année des blogs (coucou Alain Juppé qui a conservé le sien en 2017). Une année clé, puisque c’est la toute première irruption d’internet dans une campagne présidentielle en France. Twitter n’existe pas, Facebook est embryonnaire, aucun candidat n’y est inscrit. Une candidate la joue plus connectée, c’est Ségolène Royal avec son site participatif Désirs d’avenir qui recueille les propositions d’internautes. Aujourd’hui ça parait banal, mais à l’époque, c’est une petite révolution citoyenne et technologique.
2012, les cartes sont encore rebattues, par l’élection américaine
2012, c’est l’année Facebook. Barack « Master of The Internet » Obama est passé par là. Par deux fois il a été élu en s’appuyant sur les réseaux sociaux. C’est totalement nouveau, les candidats français veulent l’imiter. En 2012, ils consacrent en moyenne 10% de leur budget de campagne au numérique. Nicolas Sarkozy est le plus suivi sur Facebook, mais c’est François Hollande qui est élu. On découvre alors que « liker » ne veut pas dire « plébisciter ».
Et en 2017 alors, malgré tout ce que vous nous avez décrit, malgré Twitter, Snapchat, Instagram etc., vous nous dites que le changement n’est pas à chercher du côté d’un nouveau réseau social ?
Exactement. Le changement cette fois-ci est ailleurs, dans les usages plus que dans les technologies.
D’abord la saturation. Saturation de Twitter, colonisé par les cybermilitants. Plus professionnels, plus organisés qu’en 2012, ils ont dénaturé le réseau en l’inondant de messages et de hashtags partisans. A tel point que, pour retrouver la spontanéité des débuts, certains internautes migrent vers des réseaux alternatifs, comme Mastodon.
Ensuite, second changement, la manipulation. La manipulation de l’opinion et du vote par les réseaux sociaux, à l’aide des fake news. D’Ali Juppé au Macron leaks, ces fake news et piratages divers auront réussi à imposer leur agenda à la campagne et aux candidats -obligés de réagir en temps réel- sans passer par le filtre des médias traditionnels.
C’est probablement la première fois dans une élection que la vie virtuelle aura eu autant d’impact sur la vie réelle.