Dimanche dernier, Pyongyang a annoncé avoir procédé au plus puissant essai nucléaire de son histoire. Dans la guerre des signes qui oppose depuis plusieurs mois les Etats-Unis et la Corée du Nord, quel est le rôle joué par les réseaux sociaux ?
Vous allez voir, il y a un gros décalage entre le contexte réel – c’est-à-dire la menace nucléaire, la possibilité d’une guerre imminente- et la manière dont les réseaux sociaux s’emparent de ce sujet.
En effet Kim Jong-Un, c’est sans doute l’homme le plus moqué d’internet.
Sa coupe de cheveux, sa passion pour le fromage suisse, son obsession adolescente pour le basket et pour Dennis Rodman… tout y passe. Sa personne est une source inépuisable de détournements potaches.
Et pourtant cette viralité, bien que moqueuse, nourrit la propagande de la Corée du Nord en Occident.
Et le meilleur exemple de cet étrange paradoxe, c’est peut-être ceci :
Ça c’est le cri de Ri Chun-Hee, la présentatrice vedette de la télé coréenne d’Etat. Elle annonce tous les grands événements. Dimanche, c’est elle qui s’est chargée de proclamer le succès de l’essai nucléaire coréen. Ses vidéos sont vues des millions de fois sur Youtube. Mais attention pas par des coréens, puisque chez eux Youtube - tout comme Facebook et Twitter- est interdit depuis 2016.
Mais qui fait le succès de ces vidéos alors ?
Et bien c’est nous- les medias, les internautes- qui les diffusons. Tout comme ces histoires incroyables sur Kim Jong Un, publiées mais jamais vérifiées : par exemple, il aurait donné son oncle en pâture à une meute de 120 chiens… En fait, ces histoires nourrissent nos fantasmes, à propos d’un régime qui apparait obscur, excentrique, caricatural. C’est pour cela qu’elles sont relayées. Mais derrière tout ça il y a une propagande très organisée, qui se sert de la curiosité qu’elle suscite pour faire passer son message, presque gratuitement. Et avec comme seule source d’information, une agence de presse d’Etat, qui alimente les médias internationaux en photos, communiqués et vidéos savamment mis en scène.
Oui et alors finalement, dans ce bras de fer entre les deux pays, comment sont reçus les tweets belliqueux de Donald Trump ?
D’une certaine façon la rhétorique guerrière employée par Trump dans ses tweets, sert aussi la propagande coréenne. Mais la propagande interne cette fois-ci. C’est ce qu’explique le chercheur Antoine Bondaz, spécialiste de la Corée. Quand par exemple Trump parle de soumettre la Corée « au feu et à la furie », quand son secrétaire à la Défense James Mattis évoque la possibilité « d’annihiler » le pays… Toutes ces menaces servent d’appui à Kim Jong Un pour justifier auprès de son peuple son maintien au pouvoir et son déploiement nucléaire.