Tous les samedis dans l'émission Mediapolis, Claire Hazan revient sur l'actualité et la politique par le prisme des réseaux sociaux.
Claire Hazan, vous traitez pour nous des réseaux sociaux. Et cette année plus que jamais, ils ont été au cœur de l’actualité et des événements politiques. Ils se sont souvent retrouvés sur le banc des accusés et du côté des GAFAM (les géants du web Google, Apple, Facebook etc..) l’heure est à la sérieuse remise en question.
2017, sale année pour les réseaux sociaux.
Et ce n’est pas moi qui fait ce constat, mais d’anciens cadres haut placés de la Silicon Valley.
Ils sont plusieurs à l’avoir quittée et à dénoncer publiquement ses dangers.
Dernier en date, un ancien vice-président de Facebook, Chamath Palihapitiya. Sa vidéo a fait le tour des réseaux sociaux justement :
« Je me sens extrêmement coupable. Nous avons créé des outils qui déchirent le tissu social. Si vous nourrissez cette bête, elle vous détruira. Je ne peux pas changer cela, mais je peux contrôler mes propres décisions. Et moi je n’utilise pas cette merde. Je peux aussi contrôler les décisions de mes enfants. Et ils n’ont pas le droit d’utiliser cette merde ».
Chez tous ces repentis de la Silicon Valley, le même discours : nous avons, en connaissance de cause, crée un monstre, qui exploite les faiblesses de la psychologie humaine. Résultat : des milliards d’utilisateurs accros aux likes, aux notifications et prêts à céder toutes leurs données personnelles contre de vaines gratifications virtuelles. Ils préviennent : il ne faut pas nous leurrer sur l’objectif final de ces réseaux, qui veulent monopoliser notre « temps de cerveau disponible » pour mieux le monétiser, c’est-à-dire le transformer en cible publicitaire. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui « l’économie de l’attention ».
Vu comme ça, ce n’est pas très glorieux… On est loin des promesses idylliques des débuts d’internet et des réseaux sociaux, qui devaient aider les gens à se connecter, à mieux communiquer etc.
Oui, il y a 10 ans les ingénieurs de la Silicon Valley étaient fiers de travailler chez Facebook, cette jeune start-up tellement cool. Aujourd’hui, dans les diners en ville, certains préfèrent mentir sur leur activité professionnelle. Des témoignages éloquents à lire dans l’article du Guardian intitulé « Les techos sont devenus les nouveaux banquiers ». Ces même techos, qui cherchent à protéger leurs propres enfants du monde qu’ils ont créé : ceux de Bill Gates n’ont pas eu le droit au portable avant l’âge de 14 ans…
Le bilan est assez noir en effet, surtout, Claire, que vous n’avez pas encore listé toutes les plaintes contre l’accusé…
L’accusé qu’on dit coupable de manipulation des esprits mais aussi des démocraties.
Cette année, les réseaux sociaux auraient servi à manipuler les élections de 18 pays. C’est le bilan que fait l’ONG Freedom House.
Les outils de cette manipulation, on les connait : les fake news et les publicités déguisées, vendues par les réseaux sociaux à la Russie, qui aurait cherché par ce biais à influencer l’élection américaine, le Brexit et le référendum catalan. Pour la première fois, Google, Facebook et Twitter ont dû répondre de cette complicité involontaire devant le Congrès américain.
Un symbole fort, pour ces plateformes qui jusqu’ici se sont défendu de toute responsabilité politique. Qui se sont positionnées comme de simples mediums de l’information, plutôt que comme les médias qu’elles sont devenues.
Bien sûr tout n’est pas noir dans ce bilan. Solidarité, liberté d’expression, libération de la parole des femmes, c’était aussi ça 2017 sur les réseaux sociaux mais les grands enjeux de 2018 vont se jouer du côté de la régulation: quelles solutions – étatiques ou privées- pour contrôler l’activité de ces plateformes, briser leur monopole et les mettre enfin, véritablement à notre service. Et non l’inverse.