Le nougat de Montélimar nécessite un dosage extrêmement précis de ses ingrédients. Une exigence à la hauteur de sa saveur.
Même mon horoscope me le dit, dans Le Parisien : "Taureau : Forme : vous devriez faire un petit régime". Mais en même temps j'entends T’occupe pas, donne-moi du nougat chanté par Brigitte Fontaine. Du coup, vous me connaissez, je suis plutôt quelqu’un de docile et je prends le conseil au pied de la lettre. Donne-moi du nougat, nous dit Brigitte Fontaine. D’accord, j’obéis. Je vous propose donc de déguster les nougats de Montélimar et de tester par la même occasion la résistance de chacun de vos plombages, bridges ou couronnes à 5 000 euros. Alors je vous ai apporté une petite bolée de nougat que la Grande Épicerie de Paris nous a gentiment fait parvenir.
Le nougat, ça a l’air simple comme ça, on dirait des bonbons mais c’est quelque chose de très sérieux.
On dirait une petite confiserie pleine de douceur, mais on ne rigole pas une seule seconde avec le nougat. Au niveau de la psycho-rigidité, il me ressemble, un jour où il n’y a plus de café à la rédaction, ou pire, un jour de bourrage papier de l’imprimante, voire un jour où il n’y aurait plus de coca zéro.
Un décret a été publié le 12 Mars 1996, décret qui stipule que le nougat de Montélimar doit contenir au moins 30% d’amandes (ou alors 28% d’amandes et 2% de pistache) et 25% de miel par rapport aux matières sucrantes totales. Le nougat de Montélimar peut donc être fabriqué "partout dans le monde", et ce peu importe qu’il soit vendu en supermarché à Paris, ou sur un marché communal au cœur rural de la Provence. Cependant il faut absolument que ce ratio soit respecté sinon il s’agit d’une fraude. En France, ces fraudes sont punies au maximum d’un emprisonnement de 2 ans, et d’une amende de 300 000 euros ! Donc attention, si vous avez dans l'idée de faire du nougat à la maison et de le vendre sur le pas de votre porte, mieux vaut respecter les doses !
On ne rigole pas avec le nougat !
Bon, et alors, ça vient d’où le nougat. On trouve les premières recettes de nougat blanc au Moyen-Orient, dans des livres arabes du 10ème siècle. Donc le nougat de Provence est l’héritier du nougat arabe, du nougat catalan et du nougat italien. Première trace en France en 1595, dans un livre de pharmacie, sous l’appellation "nogat", et en 1607, dans un livre de diététique, "le trésor de santé". Bref, le "nogat", c’est visiblement bon pour ce que l’on a. Il s’appellera d’ailleurs "nogat" jusqu’au début du 19ème siècle. A Montélimar, il rejoint la liste des treize desserts traditionnels de Noël en Provence, treize desserts qui seront dégustés au retour de la messe et qui resteront sur la table pendant les 3 jours suivants, jusqu’au 27 décembre. On y retrouve entre autre le calisson d’Aix, dont je vous ai déjà parlé mais aussi la Pompe à huile qu’on découvrira la semaine prochaine, des dattes, des figues sèches, des raisins secs, etc. Les nougats sont soient noirs soient blancs. Tout a une signification. Le nougat blanc en l’occurrence représentait le pénitent blanc mais aussi la pureté et le bien alors que le nougat noir, qui est plus dur et cassant, évoque l’impur et les forces du mal.
A cette époque-là, c’est donc un repas de fête. Quand est-ce qu’il s’invite dans le quotidien ?
La renommée du nougat décolle en 1701, quand Louis, le duc de Bourgogne et Charles, le duc de Berry rentrent d’Espagne à cheval et s’arrêtent à Montélimar. Ils se trouvent un petit deux-pièces sur Airbnb tranquilles, avec écuries pour les chevaux, et se mettent en quête, sur Trip Advisor, de spécialités locales. Ils découvrent alors le nougat qui récoltent de très bons commentaires. C’est un tel coup de cœur, qu’ils vont s’en faire offrir un quintal entier. Pour rappel, un quintal, ça équivaut à 42 kilos de nougat.
Mais le nougat doit surtout sa notoriété à un seul homme : Emile Loubet, qui va connaître une ascension hors-du-commun…puisque après une enfance passée à Marsanne, un petit village à côté de Montélimar, il deviendra ensuite maire de Montélimar, puis sénateur et enfin, président de la République, carrément en 1899 ! Lors de son mandat à l’Elysée, de 1899 à 1906, il va offrir des nougats aux présidents étrangers, lors de réceptions en tout genre et autre soirées de l’ambassadeur, où les plus vieux consuls poussiéreux y laisseront quelques dentiers sans lui en tenir rigueur. La notoriété du nougat de Montélimar devient alors internationale et les mots Nougat et Montélimar deviennent quasi indissociables. Autre atout majeur du nougat : sa situation géographique près de la Nationale 7. Ce qui va drainer beaucoup de vacanciers vers la cité du nougat.
Au kilomètre 163, au niveau de Montélimar, on trouve la plus vieille fabrique de nougat encore en activité, elle existe depuis 1837 et elle fait partie des 12 nougatiers encore en activité à Montélimar qui produisent chaque année 4 500 tonnes de nougat. Il s’agit de la Maison Arnaud Soubeyran.
Si le gérant de la fabrique ne dévoile pas tous ses secrets, il accepter de livrer des indices sur sa recette. "Nous cuisons le miel, seul. Ensuite on monte nos blancs d’œufs en neige, puis on les incorpore au miel. On ajoute les amandes, les pistaches. La cuisson totale va durer environ 3 heures", explique-t-il. Et la renommée de l'atelier Arnaud Soubeyran a gagné l'international. "Nous avons bien évidemment des clients locaux, mais nous avons aussi une grosse clientèle touristique", assure Didier Honoré.
Alors le nougat se compose d’amandes, de miel, de sucre et de blanc d’œuf battus en neige. Les blancs d’œuf eux vont donner cette couleur blanchâtre traditionnelle au nougat.