Chaque jour, Bruno Donnet regarde la télévision, écoute la radio et scrute les journaux ainsi que les réseaux sociaux pour livrer ses téléscopages. Ce mercredi, il s'intéresse à la photographe officielle de l'Élysée.
Tous les jours, Bruno Donnet observe la fabrique médiatique. Ce matin, après la parution d’un reportage-photos dédié au président de la république, il s'interroge sur une fonction.
Ou plus exactement sur un fonctionnement. Car il a été témoin, hier soir, d’une petite querelle médiatique qui a fait naître en lui une grande question républicaine.
Avant-hier, Emmanuel Macron s’est adressé à la nation : « Française, français, mes chers compatriotes. »
C’était une journée importante de l’agenda politique. Voilà pourquoi, afin d’immortaliser l’événement, une femme, elle s’appelle Soazig de la Moissonnière, a été dépêchée pour photographier le président de la République.
Mais Soazig de la Moissonnière n’est pas n’importe quelle photographe. Elle est la photographe officielle de l’Elysée !
Et, hier soir, dans l’émission Quotidien, le journaliste Julien Belver a d’ailleurs tenu à expliquer sa fonction : « Elle suit le président à la trace, elle est partout, toujours présente dans un coin pour imprimer l’image des moments importants. »
Voilà, c’est à Soazig de la Moissonnière que l’on doit, par exemple, les photos d’Emmanuel Macron en sweat à capuche et barbe de trois jours, tentant de régler le conflit ukrainien, depuis l’Elysée. Ou encore ce cliché, du président, en campagne, affalé sur un canapé, chemise ouverte et tous poils dehors, après un meeting harassant.
Alors si notre confrère de Quotidien s’est intéressé à cette photographe, c’est pour deux raison : Parce qu’elle a fait paraitre, hier, sur son compte Instagram, sa nouvelle série de photos présidentielles et parce qu’il est arrivé une petite mésaventure au journaliste. « Alors j’ai failli passer à côté de ce petit reportage car Soazig de la Moissonnière m’a bloqué sur Instagram. »
Et oui, la photographe de l’Elysée l’a bloqué. Il s’est fait ban’ sur Insta !
Du coup, Julien Belver s’est un peu vexé. Il a commencé par expliquer qu’il n’était pas le seul à être snobé par la photographe : « Accès à rien, c’est le cas de pas mal de journaliste de la rédaction. On est très déçus. Elle a aussi bloqué les comptes de Quotidien. »
Et puis il a conclu son intervention en soulevant un problème qui a beaucoup intéressé Bruno Donnet : « Alors rappelons juste que Soazig de la Moissonnière est salariée par l’Elysée, que les photos qu’elle choisit de publier appartiennent à la présidence de la république et donc aux Français. Par conséquent, elle ne peut pas en limiter l’accès. »
Voilà, ça a beaucoup intéressé Bruno Donnet car il avait totalement oublié qu’il y avait, en ce moment même, une photographe officielle à l’Elysée !
La question qu’a soulevé notre confrère n’est pas la bonne. Pas tout à fait. Car il l’a résumé à une affaire de susceptibilité. De susceptibilité numérique. Or, je crois que la question que soulève la fonction même de cette jeune femme : photographe officielle de l’Elysée, n’est pas vraiment de savoir si elle peut choisir à qui elle montre ses clichés mais plutôt de savoir pour quelle raison elle existe, tout simplement ?
Car Soazig de la Moissonnière est salariée, salariée permanente, de l’Elysée ! Comprenez qu’elle est donc payée, avec l’argent des contribuables pour photographier le président.
Du reste, la question de sa rémunération est totalement opaque. Personne ne sait combien elle gagne, précisément, c’est un sujet secret.
Le quotidien Libération, a révélé qu’elle avait perçu 16.000 euros, entre juin et août 2016 pour des photos de campagne du candidat Macron.
Quant au journal Le Monde, il affirme qu’à partir de février 2017, la photographe a été salariée par le parti « En Marche », à hauteur de 5.000 euros, tous les mois.
Mais, depuis six ans qu’elle est payée, avec de l’argent public, personne ne sait combien empoche Soazig de la Moissonnière.
Alors, tous les présidents de la république ont eu un photographe officiel, il était payé pour réaliser le portrait, officiel lui aussi, du président de la République.
François Hollande avait choisi Raymond Depardon, Chirac… Béthina Rheims, seulement aucun des prédécesseurs d’Emmanuel Macron n’avait encore salariée, mensualisée une photographe professionnel, aux frais de la princesse, pour prendre des images de lui, partout, tout le temps, et bénéficier d’accès que les photographes de presse, n’ont pas.
Deux petites questions :
La République a-t-elle besoin d’autant d’images officielles de son président ?
Et est-ce au contribuable de les payer tous les mois, pendant 10 ans ?