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Chaque jour, Bruno Donnet regarde la télévision, écoute la radio et scrute les journaux ainsi que les réseaux sociaux pour livrer ses téléscopages. Ce mardi, il s'intéresse aux relations tendues entre policiers et journalistes.

Tous les jours, Bruno Donnet observe la fabrique médiatique. Ce matin, en essayant de pointer son télescope sur les relations tumultueuses entre policiers et journalistes, il a été totalement ébloui.

Ébloui et même carrément aveuglé par une lumière crue !

C’est ce qui est arrivé, vendredi soir, à plusieurs journalistes reporters d’images qui tentaient désespérément de filmer un groupe de policiers, en marge de la énième manifestation parisienne : « Des journalistes professionnels qui se font… de la lumière voilà, dans le visage. »

La scène a été captée par le journaliste Amar Taoualit, qui travaille pour le site Loopsider. Il a filmé une séquence très éloquente, dans laquelle on aperçoit les reporters Clément Lanot et Rémy Buisine, qui tentent de filmer les forces de l’ordre. Et si je vous dis « qu’ils tentent » de le faire, c’est parce que face à eux, tous les policiers sont équipés de puissantes lampes torches qui clignotent et qui renvoient une lumière très intense, droit dans l’objectif des caméras : « C’est artistique hein ! Ce sont des œuvres d’art, déjà. »

C’est une séquence extrêmement intéressante car elle met en lumière un gros problème d’optique, dans tous les sens du terme.

Si vous faites un tout petit peu de photo, vous savez bien que si vous essayez de photographier, ou de filmer, Anissa par exemple, avec le soleil face à vous, en plein dans les mirettes, votre image va devenir toute blanchâtre, on ne reconnaitra donc plus Anissa, et vous aurez produit un splendide contre-jour.

C’est exactement ça qu’essayent de faire les policiers, lorsqu’ils braquent leurs grosses lampes torches, sur les caméras des journalistes : Ils essayent de les rendre aveugles.

Et ce problème de lumière n’est en fait qu’un nouvel épisode d’une saga, très ancienne.

Oui car l’optique des journalistes et celle des policiers sont en fait plus que contrastées, elles sont diamétralement opposées.

Les premiers veulent pouvoir éclairer l’actualité, quand les seconds voudraient qu’on les laisse travailler dans l’ombre et rester anonymes.

Depuis le 1er janvier 2014, vous savez que les policiers doivent, en principe, arborer sur leur uniforme, un numéro qui permet de les identifier. ça s’appelle le RIO : « Monsieur, où sont vos RIO ? Où sont vos RIO ? »

Le journaliste David Dufresne, dont vous venez d’entendre la voix, s’est fait pour spécialité de traquer les comportements répréhensibles de la police. Et la chasse au fameux RIO des fonctionnaires est devenue l’une de ses obsessions : « Le RIO Monsieur s’il vous plait ! Le RIO de Monsieur ! S’il vous plait. »

Car oui, bien que ce soit strictement obligatoire, les policiers rechignent bien souvent à porter ce qui en quelque sorte, leur plaque d’immatriculation. Ils n’ont aucune envie qu’on puisse les reconnaître et les identifier. Et lors des manifestations des gilets jaunes notamment, une caméra de BFM-TV avait déjà enregistrée un échange entre un manifestant et un policier qui lui avait fait un aveu saisissant : « Le matricule apparent, c’est obligatoire par contre ! Sur ordre de ma hiérarchie, on les enlève ! »

Sur ordre de leur hiérarchie, les policiers enlèvent leurs RIO !

Que dit la loi ?

Elle est formelle : les policiers doivent être reconnaissables et les journalistes ont le droit de les filmer, y compris dans l’exercice du maintien de l’ordre.

En 2021, Gérald Darmanin avait tenté dans le cadre de la loi dite « Sécurité Globale » d’interdire aux caméras de filmer les policiers, seulement voilà, le Conseil Constitutionnel avait censuré sa mesure, estimant qu’elle contrevenait aux exigences démocratiques.

Aujourd’hui, dans un épisode revisité de l’arroseur-arrosé, la police braque ses lampes torches sur les caméras qui la filme. C’est cocasse.

Où l’on comprend qu’éclairer les journalistes est, pour certains policiers, une manière de contrer l’interdiction de les allumer.