Chaque jour, Bruno Donnet regarde la télévision, écoute la radio et scrute les journaux ainsi que les réseaux sociaux pour livrer ses téléscopages. Ce vendredi, il s'intéresse aux petits micros espions de Laurent Delahousse qui ont valu à certains députés d’être sanctionnés.
Tous les jours, Bruno Donnet observe la fabrique médiatique. Ce matin, il a choisi de pointer son télescope sur les micros-cravates de Laurent Delahousse.
Il y a du rififi à l’Assemblée nationale, à cause des petits micros espions de Laurent Delahousse qui ont valu à certains députés d’être sanctionnés, hier.
C’est une affaire extrêmement intéressante, parce qu’elle raconte tout à la fois le fonctionnement des médias, mais également les archaïsmes de la vie politique.
Il y a 15 jours, dans son 13 heures 15, du dimanche, Laurent Delahousse a annoncé une grande nouveauté : « Cette fois, ce sont plusieurs caméras qui ont choisi de se positionner au cœur de la bataille des retraites, à l’assemblée, au sénat, dans les ministères mais également dans la rue. »
Un reportage, d’un genre nouveau qui allait nous montrer les coulisses de la vie politique, grâce, notamment, à un petit instrument : « Plusieurs semaines de tournage, des micros posés avec leur accord sur les protagonistes. »
Des micros cravates, posés avec l’accord des protagonistes ! Alors, cette information-là était très importante pour France 2, tellement importante, que dès le début du reportage, la voix-off a même tenu à nous la répéter : « Une petite précision, tous les personnages de cette série ont accepté de porter un micro et que leur propos soient diffusés. »
Et si cette « petite précision » avait en fait une immense importance, c’est parce que les équipes de Laurent Delahousse ont en fait contourné, une partie du règlement de l’Assemblée nationale qui veut qu’il soit totalement interdit, aux caméras de télévisions de pénétrer dans l’hémicycle.
Certes, les débats sont filmés et diffusés sur la chaîne parlementaire, mais un reporter ne peut pas entrer avec sa propre caméra, durant les séances.
Voilà pourquoi, en temps normal, on ne voit et n’entend que ce qui est capté, « officiellement », par le service vidéo de l’Assemblée, que préside Yaëlle Braun-Pivet : « Et ce sont les règles qui sont les nôtres et que j’entends faire respecter»
Toutefois, partant de deux principes médiatiques cardinaux qui veulent : 1/ que tout ce qui n’est pas formellement interdit est autorisé. Et 2/ Que quand on ne peut pas entrer par la porte, il ne faut jamais hésiter à passer par la fenêtre, les équipes de Laurent Delahousse ont essayé une petite astuce : équiper quelques députés d’un micro-cravate, leur envoyer des questions, par texto, les filmer depuis le haut des gradins de l’Assemblée nationale qui sont accessibles au public et enregistrer leur propos.
France 2 a ainsi recueilli les confidences du député Laurent Panifous en plein débat sur la réforme des retraites : « L’atmosphère dans l’hémicycle ? Bah vous le voyez, elle est assez mauvaise, même assez déplorable. »
La séquence était extrêmement insolite. En termes d’images, de cadre, car on n’avait encore jamais vu un député répondre à une interview, en plein pendant les débats. Et elle traduisait donc cette volonté qu’a très régulièrement la télévision, d’essayer d’inventer de nouvelles écritures, de trouver de nouvelles formes pour raconter l’actualité.
Mais, au-delà de la forme, cette petite invention s’est également montrée très payante sur le fond. Car France 2 n’a pas manqué de nous le faire remarquer, ses petits micros lui ont permis de capter des propos dont personne n’est témoin d’ordinaire : « Dans le tumulte, un échange aurait presque pu passer inaperçu, entre le patron des Républicains, Eric Ciotti, et son député frondeur. »
Une séquence plus que tendue, dans laquelle Eric Ciotti et son challenger Aurélien Pradié se sont défiés quasiment physiquement : « Ne me montre pas du doigt Eric ! Ne montre pas du doigt ! (…) Tu fais ce que tu veux mais tu ne me montres pas du doigt. Et si tu veux les tirer, tu les tires pour tout le monde. Non, non, mais pas comme ça. Y’a des limites ! »
Alors voilà, hier, tous les députés qui ont accepté de porter les petits micros de France 2, dans l’hémicycle, ont été sanctionnés et c’est dommage. C’est dommage car au moment où l’Assemblée nationale a offert à tous ceux qui ont regardé ses débats sur la réforme des retraites un spectacle absolument pathétique : « Ne hurlez pas s’il vous plait, ce n’est pas parce que vous criez fort que vous avez raison. »
Selon Bruno Donnet, elle s'est trompée. Car de la même façon que les micros placés sur la poitrine des arbitres, au rugby par exemple, permettent de mieux comprendre le jeu, ceux que France 2 a placé sur des élus de la République, permettaient de faire entendre la politique, beaucoup plus finement.
Et contrairement à ce qu’elle imagine, l’Assemblée nationale n’a pas été cravatée par Laurent Delahousse, elle a été invitée à offrir davantage de transparence.
Où l’on comprend qu’en matière de progrès, la télévision va quelquefois beaucoup plus vite que la musique politique.