Chaque jour, Bruno Donnet regarde la télévision, écoute la radio et scrute les journaux ainsi que les réseaux sociaux pour livrer ses téléscopages. Ce mercredi, il s'intéresse aux révélations de nos confrères de Marianne et de France 2 sur le Fonds Marianne.
Tous les jours, Bruno Donnet scrute la fabrique médiatique. Ce matin, il a choisi de pointer son télescope sur une enquête journalistique, dont l’onde de choc vient d’émouvoir la famille du professeur Samuel Paty.
Télescopage ce matin entre les révélations publiées par deux grands médias et la réaction que leurs découvertes viennent tout juste de susciter.
Pour bien comprendre, il faut remonter, d’abord, au 16 octobre 2020.
Ce jour-là, un professeur d’histoire-géographie, Samuel Paty, était sauvagement assassiné par un terroriste islamiste, pour avoir montré, à ses élèves, les carricatures du prophète Mahomet, publiées par le journal Charlie Hebdo.
Six mois plus tard, le 20 avril 2021, la ministre de la citoyenneté, de l’époque, Marlène Schiappa, se rendait donc non pas à la rédaction de Play-Boy, mais bien sur le plateau de BFM-TV pour annoncer quoi donc ? La création d’une grande initiative gouvernementale : « Je lance un fonds, qui s'appellera le fonds Marianne, avec 2,5 millions d’euros, on peut faire beaucoup de choses pour défendre les valeurs de la république. »
Son ministère décidait d’allouer 2,5 millions d’euros, à des associations, chargées de promouvoir, via les médias, internet ou les réseaux sociaux, les « valeurs de la république ».
Seulement voilà, mercredi dernier, patatras ! Le magazine Marianne, associé pour l’occasion au 20 heures de France 2 ont publié une grande enquête. Car ils ont voulu savoir comment ses plus de deux millions d’euros d’argent publique avaient été employés : « Après quatre mois d’enquête, nous nous sommes procuré la liste des 17 structures qui ont reçues des subventions. »
Et ce que nos confrères ont découvert est totalement édifiant.
Car parmi ces 17 associations subventionnées l’une d’entre-elles, à la dénomination plutôt cocasse, a reçue une somme très rondelette : « L’union des sociétés d’éducation physique et de préparation au service militaire : 350.000 euros de dotation. »
Une juteuse enveloppe pour financer un objectif délicieusement sibyllin : « Déployer un contenu multimédia et un message positif de ré enchantement des valeurs de la république. »
Et pour « ré enchanter les valeurs de la république », les journalistes de Marianne et de France 2 ont révélé quel travail d’ampleur, l’association avait fourni pour 350.000 euros : « Parmi les productions de l’association notamment, 13 vidéos sur YouTube, dont la majorité ne dépasse pas les 50 vues. Un compte Instagram avec seulement 138 abonnés. »
Mais mieux encore, nos confrères ont découvert que cette association était dirigée par deux hommes : Cyril Karunagaran et Mohamed Sifaoui, un expert des questions de radicalisation, souvent sollicité par les médias, lesquels, contrairement à l’emploi des 10 salariés qu’ils revendiquent auraient allègrement menti : « Nous avons pu consulter les relevés bancaires de l’association, ils révèlent que ce ne sont pas 10 salariés qui ont été rémunérés mais seulement 2. »
Et oui, ils seraient en fait les deux seuls à avoir capté l’essentiel de la subvention, versée à leur association : « Ces relevés bancaires montrent que celle-ci aurait versé 120.000 euros aux deux responsables de la structure. »
Voilà, alors 120 000 euros d’argent publique, pour deux personnes qui se seraient contentées de produire 13 vidéos YouTube et un compte Instagram que pratiquement personne n’a vu. Ça fait beaucoup !
Et en tous cas, ça fait trop, beaucoup trop, pour la famille du professeur Samuel Paty qui, hier matin, a diffusé un communiqué, dans lequel elle se dit « tout particulièrement heurtée » par les révélations de nos confrères de Marianne et de France 2 et qui demande, instamment, que le nom du professeur d’histoire ne soit « en aucun cas », associé au fameux « fonds Marianne ».
Quand l’actualité touche le fond, Philippe, ce sont parfois, des journalistes, qui permettent, aux affaires de remonter à la surface.