3:55
  • Copié

Chaque matin, Vincent Hervouet nous livre son regard sur l'actualité internationale. Ce jeudi, il s'intéresse à l'évolution de la situation à Kaboul.

De l’aide humanitaire pour l’Afghanistan, au bord de l’effondrement. Le Conseil de sécurité a voté hier à l’unanimité une résolution américaine. Les ONG pourront travailler sur place et payer en dollars. En espérant que les talibans n’en profitent pas…

La politique, c’est choisir entre deux mauvaises solutions.

Quand on s’est longtemps trompé, on hésite. Depuis quatre mois, l’Occident attend de voir ce qui va se passer en Afghanistan.

Quatre mois après, aucun pays n’a reconnu le régime taliban. Personne, parce que les nouveaux maitres du pays ne tiennent pas leurs promesses. Il n’y a pas de gouvernement inclusif, les deux tiers des ministres sont des terroristes dont la tête est mise à prix, les collèges pour les filles sont fermés, les règlements de comptes meurtriers sont quotidiens et surtout, surtout, les Talibans refusent de rompre les ponts avec Al Qaida.

Conséquence, les Américains n’ont pas restitué à Kaboul les neuf milliards de leur banque centrale. Les banques afghanes restent déconnectées du réseau swift, ce qui empêche même les agences de l’Onu d’envoyer de l’aide. La crainte des sanctions américaines dissuade les ong qui depuis vingt ans prospèrent sur le malheur afghan comme les asticots sur la charogne.

Mais d’un autre côté, impossible d’ignorer la catastrophe en gestation. 

Les Afghans ont faim. L’Onu prophétise une avalanche de famines à partir de Noël. L’émissaire de la Russie a bien résumé le dilemme : à cause des obstacles qu’il a imaginés, l’occident va se retrouver avec une situation où dix pour cent des 23 millions d’Afghans, ceux qui meurent de faim, vont fuir en Europe cet hiver…10% : 2,3 millions !

Au Kremlin, on sait que les foules de migrants qui se pressent aux frontières tétanisent les dirigeants occidentaux, on le sait si bien qu’on a même organisé une répétition générale avec le Belarus cet automne.

Bref, ne voulant ni subventionner un repaire terroriste, ni provoquer un exode massif, les Occidentaux n’arrivent pas à choisir entre deux mauvaises solutions. Donc, ils ne font rien. Ils ne font pas de politique, ils font de l’humanitaire. A courte vue, à court terme.

La résolution votée hier autorise le paiement d’avoirs financiers, la fourniture de biens et de services nécessaires pour répondre aux besoins humains fondamentaux.

160 ong sont prêtes à profiter de la manne. L’Onu va faire la quête. Les 57 pays de l’Organisation de la Conférence islamique ont déjà promis un fonds spécial qui sera géré par la Banque islamique de développement. Au bord de l’asphyxie, l’Afghanistan va revenir sous assistance respiratoire.

Mais sur le fonds, rien n’est réglé.

Les Talibans font le minimum. Ils ont rouvert le musée national, c’est mieux que de saccager les collections pré-islamiques comme la dernière fois. Ils laissent défiler les manifestants qui réclament la levée des sanctions, ca les arrange.

Mais derrière la façade, il y a tous les jours des dizaines d’assassinats, d’enlèvements, de règlements de comptes. La violence est partout, la peur des représailles impose le silence. Et on réalise que les talibans sont incapables de gouverner. Ils sont débordés par la crise économique et humanitaire. C’est une dictature décentralisée et dans les provinces, les bandes de pistoleros continuent de vivre sur la bête comme pendant la guerre.

D’ailleurs la guerre continue. Celle qui oppose les talibans alliés d’Al Qaida. A leurs ennemis intimes, les suppôts de Daech, l’état islamique au Khorozan.

Les Américains auraient bien aimé tirer la porte derrière eux, en imaginant que les frères ennemis s’entretuent jusqu’au dernier.

C’est un rêve éveillé.

La réalité, c’est qu’en Afghanistan, le monde est dans une impasse stratégique.

Et pour Noël, l’Onu a mis dessus un sparadrap.