Chaque matin, Vincent Hervouët nous livre son regard sur l'actualité internationale. Ce mercredi, il revient sur la visite des Premiers ministres polonais, tchèque et slovène auprès du président ukrainien à Kiev.
Pour la première fois depuis que l’armée russe a envahi l’Ukraine, des dirigeants européens emmenés par le Premier ministre polonais sont allés mardi soir à Kiev…
C’est un raid diplomatique, trois Premiers ministres qui bravent le siège mené par les Russes. Ils ont manifesté physiquement leur soutien aux dirigeants ukrainiens. Le risque était virtuel, Kiev n’est pas sous un tapis de bombes, mais cet aller-retour sous tension ne manque pas de panache. Il a fait des jaloux. C’est évidemment plus photogénique d’aller sur le front que de passer des heures au téléphone avec Vladimir ou Volodymyr. Autrefois, pour se moquer des reporters qui jouaient les matamores, on disait "derrière moi la guerre". Désormais, on peut en dire autant des dirigeants qui se risquent sur le champ de bataille. François Mitterrand avait donné l’exemple à Beyrouth, il y a quarante ans, en allant se recueillir devant la dépouille de parachutistes tués par le Hezbollah.
En tout cas hier, la visite avait de quoi affoler les services de sécurité rapprochée des Premiers ministres polonais, tchèque et slovène.
Trois Premiers ministres et demi, puisque le chef du gouvernement Polonais était flanqué de son vice-premier ministre Jaroslaw Kaczynski, le véritable homme fort de la droite polonaise. Jaroslaw, c’est l’homme qui accuse le Kremlin d’avoir tué son jumeau le président Lech Kaczynski mort en Russie dans le krach de son avion. Jaroslaw est un idéologue, un théoricien de l’Europe des nations et le plus zélé des partisans de l’Alliance atlantique… En quittant Volodymyr Zelensky, il a appelé à une mission de paix de l’Otan.
Il s’agirait de protéger la fourniture de l’aide humanitaire et civile…
La mission agirait sur le territoire ukrainien avec l’accord du gouvernement, elle s’efforcerait d’instaurer la paix, elle aurait les moyens de se défendre… Autrement dit la mission de paix serait armée jusqu’aux dents et combattrait ceux qui se mettraient en travers de son chemin. Pour parler cru, l’Otan irait faire la guerre aux Russes et à leurs amis. C’est une proposition d’autant plus étrange, qu’elle tombe quelques heures après que le Président Volodymyr Zelensky lui-même a renoncé à l’Otan. Il a expliqué que l’Ukraine ne pourrait jamais adhérer à l’Otan et qu’il fallait le reconnaitre. Cette renonciation est une victoire concédée à Vladimir Poutine. Elle est sans contrepartie. Mais pour qu’elle soit effective, il faudrait amender la constitution ukrainienne qui en fait état, proclamer la neutralité du pays et que la cour constitutionnelle valide le tout. Jusqu’ici, Volodymyr Zelensky n’avait pas de majorité pour voter ce changement de cap. Il en a encore moins sous les bombardements. Grâce au Polonais, l’Otan est sortie hier par la grande porte du palais présidentiel et revenue par la fenêtre dans la soirée.
L’Otan se réunira autour de Joe Biden dans une semaine à Bruxelles, en marge d’un conseil européen spécialement convoqué pour parler de l’Ukraine…
La menace russe aura solidifié ce front uni, tout en révélant l’impuissance de l’Alliance comme de l’Union à empêcher la Russie de semer le chaos. Le malheur de l’Ukraine rappelle celui du Liban, où des ministres débarquaient pour venir témoigner de leur solidarité à des gouvernements aux abois, alors que le pays était abandonné aux bandes rivales. En Ukraine, il y a d’un côté 20 000 pistoleros débarqués du monde entier pour s’enrôler dans une Légion étrangère et des milices locales qui forment un peuple en armes. En face, rameutés par le Kremlin, des islamistes tchétchènes, des mercenaires syriens, des repris de justice du Caucase, des supplétifs.