Chaque jour, Vincent Hervouet traite d’un sujet international.
Bonjour Vincent, les Kurdes de Syrie veulent relâcher les djihadistes français qu’ils détiennent.
Bonjour Nikos, oui le quai d’Orsay prétend que toutes les options sont étudiées, y compris un retour en France. Grosso modo, cela veut dire que les billets d’avion sont prêts. Hier, on a entendu des députés protester. Ils refusent qu’on les rapatrie. Ils proposent qu’on les envoie aux îles Kerguélen, qu’on les livre aux Syriens ou qu’on les fasse assassiner. Ces solutions toutes faites sont des rêves éveillés ou des cauchemars éveillés.
Pourquoi ?
C’est évidemment inimaginable de mettre un contrat sur la tête de tous les Français plus ou moins barbus qui ont rallié l’éphémère Califat. Les services français sont sur place. Ce ne sont ni des justiciers, ni des tueurs de la mafia. Ils pistent, ils identifient, ils renseignent. Ils traquent le gros gibier. Quand les Américains bombardent et canonnent, personne ne se plaint que des Français égarés se transforment en chaleur et lumière. Pas une larme et pas un mot. Aucun remords et peu de rapports chiffrés.
Il n’est pas possible non plus d’envoyer les terroristes au diable ou à l’île du Diable, au large de Cayenne, parce que la France n’y dispose pas d’une base militaire hors sol, en dehors du droit, où enfermer les fanatiques comme le font les Américains à Guantanamo. Avant de rouvrir le bagne, il faudrait légiférer et ce serait contraire à un tas de traités internationaux que la France a signés. Enfin, les djihadistes arrêtés en Irak ont été abandonnés aux juges irakiens qui les condamnent sans état d’âme.
En Syrie, c’est impossible. Les Kurdes nous servaient de garde chiourmes comme ils ont servi de fantassins dans la guerre à Daech. Mais le Kurdistan n’existe pas comme Etat, il n’y pas d’accord judiciaire bilatéral. Et le repli américain remet en cause cette solution qui était pratique mais précaire et coûteuse.
Mais alors sur quoi travaillent les diplomates ?
Le métier des diplomates, c’est de marchander. Ça tombe bien, le Kurdistan est un souk. Les Kurdes détiennent un millier de djihadistes étrangers dont une moitié d’occidentaux, sans compter les femmes et les enfants. Ils en ont déjà relâché plusieurs milliers qui se sont perdus dans la nature. Ils menacent de recommencer. Il faut les convaincre de s’abstenir. C’est hors de prix à convaincre, les chefs de guerre.
Il faut aussi éviter qu’ils les livrent à Bachar El Assad avec lesquels ils négocient l’autonomie. On mesure mal ici la rancune du régime syrien. Il refuse toute coopération avec les services français. Il pourrait utiliser les djihadistes dans toutes sortes de chantage. Bref, tout cela explique que le Quai d’Orsay soit prêt à prendre les billets d’avion pour une première fournée d’une centaine de djihadistes. Espérons qu’il y ait des barreaux aux hublots.