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Chaque jour, Vincent Hervouet traite d’un sujet international. Mardi, il évoque les enjeux de la conférence de presse d'Emmanuel Macron en Égypte.

Dans un voyage officiel, aussi rituel que le dépôt de gerbe, aussi rock’n roll que le dîner de gala, il y a la conférence de presse. Les deux chefs d'États, derrière un lutrin, se font des amabilités et répondent tour à tour. Deux questions pour chaque camp, c’est le service minimum. Les journalistes qui posent les questions ont été désignés à l’avance, on ne prend aucun risque, il y a peu d’aventuriers dans les services de presse officiels. 

Avec les réseaux sociaux, avec l’info en continue, cela paraît très désuet ces monologues alternés avec oreillettes qui ressuscitent l’Ortf. Sauf que dans la plupart des pays du monde, poser une question en direct au chef de l’État, c’est déjà un événement en soi.

Si vous prenez les grands pays arabes dans l’actualité de ces derniers mois, vous ne trouverez aucune conférence de presse du maréchal Sissi, de Mohamad Ben Salmane, de Bachar El Assad, d’Abdelaziz Bouteflika ou du roi Mohamed VI. Lundi au Caire, Emmanuel Macron s’est donc prêté à l’exercice comme on remplit une formalité et le président Sissi comme on écluse une corvée. Il manque d’entraînement, il ne fait pas de grands débats.

Et puis, il y a eu la question piège sur les droits de l'Homme, c’était à prévoir. La scène se passe en Égypte, pays où la torture est systématique dans les prisons, où la guerre terroriste bat son plein dans le Sinaï et où le seul pharaon qui ait été élu depuis 5.000 ans croupit derrière les barreaux avec tous ses amis.

Sauf que la question gênante s’adressait à Emmanuel Macron, pas à Sissi. Le Français appelé à rendre des comptes sur les "gilets jaunes", les onze morts depuis le début du mouvement, la violence policière, etc. Les Égyptiens étaient ravis de leur coup. Les images de l’Arc de Triomphe ont fait le tour du monde.

L’image de la France est altérée. Il y a deux ans, en accueillant Vladimir Poutine à Versailles et Donald Trump aux Champs-Élysées, Emmanuel Macron a promis la fin du "renoncement où nous sommes enfermés depuis quarante ans qui voudrait que la France ne soit qu’une puissance moyenne."

Mais la France que les Égyptiens voient agir sous leur nez n’est pas une puissance moyenne. C’est une "non puissance". Un pays qui dépend des caprices de la Maison-Blanche pour continuer la guerre contre Daech, qui subit les événements au Liban, qui a promis des élections en Libye qui n’ont pas eu lieu, qui n’a pas jugulé la menace intérieure, on l’a vu à Strasbourg.

Le thème du G7 que la France préside depuis le 1er janvier, c’est la lutte contre les inégalités dans le monde, une vaste ambition. Avec les "gilets jaunes" aux carrefours, cela pose un petit problème de crédibilité.