Chaque jour, Vincent Hervouet traite d’un sujet international.
Emmanuel Macron attendu cet après-midi par Vladimir Poutine à Saint-Pétersbourg.
Il ne faut pas s’attendre à ce qu’ils s’embrassent à la Russe, sur la bouche.
Vladimir Poutine cultive la retenue virile, et même si cela n’exclut pas une forme de narcissisme body-buildé, il n’est pas le genre à faire des mamours en public : "je te prends par la main pour te montrer le chemin, je t’époussette le revers pour te montrer qui est le maitre, je t’écoute mais je vais te montrer ce que je fais de l’accord avec l’Iran".
Avec Vladimir Poutine depuis 18 ans, les présidents français dinent avec une longue cuillère, ils ne courent pas le risque d’être déçus comme Emmanuel Macron l’a été par son ami américain. Avec Vladimir Poutine, il n’y a rien de personnel, c’est l’amitié mutuellement profitable entre les peuples, à la soviétique. C’est un rapport de forces, donnant-donnant. C’est rationnel même si parfois, c’est tordu.
Ce voyage en Russie n’est pas le pendant de la visite aux États-Unis.
Il devait l’être. Le programme prévoyait une escale politique au Kremlin avant la participation au forum économique de Saint-Pétersbourg. L’escale a sauté. Tout a rétréci à la cuisson, aux feux roulants de l’indignation qui a saisi l’Occident après l’empoisonnement obscur d’un ancien agent russe et de sa fille, en Angleterre.
La France a fait chœur avec Teresa May, elle s’est alignée sur ses voisins européens. Sans réclamer de preuves, sans prendre son temps. Elle a expulsé quelques-uns des 300 diplomates, chiffre record jamais atteint pendant la guerre froide.
Aujourd’hui, les Skripal père et fille sont sortis de l’hôpital. Mais la relation franco-russe reste convalescente.
Emmanuel Macron va donc à Saint-Pétersbourg comme le Japonais Shinzo Abbé, pour accompagner les investisseurs, pas pour refaire le monde.
Il y a pourtant des sujets politiques majeurs !
L’accord avec l’Iran qui est moribond, l’avenir de la Syrie avec ou sans Bachar, la coopération anti-terroriste, le nucléaire coréen, l’Ukraine, il n’y a que l’embarras du choix.
Le somptueux décor du palais Constantin rappellera la magnificence de la réception à Versailles l’an dernier. Mais ce sont des décors Potemkine, comme ces villages en carton-pâte que le ministre de la grande Catherine faisait bâtir sur le passage du train impérial. Ils flattent l’orgueil national mais ils ne disent rien de la médiocrité du présent.
Aujourd’hui, la relation avec la Russie est vide. La faute à Poutine qui est obsédé par des calculs tactiques à court terme. La faute aux Occidentaux qui ne ratent jamais l’occasion d’humilier le Kremlin.
Les Français savent bien que c’est folie de pousser les Russes dans les bras des Chinois, qu’il n’y a rien à gagner à laisser l’Allemagne seule traiter avec Moscou, que les sanctions européennes décidées après l’annexion de la Crimée sont stupides parce qu’elles ne feront jamais lâcher prise aux Russes qui sont chez eux sur cette presqu’ile.
Mais la France a regagné le giron atlantiste et le "en même temps" macronien trouve ici sa limite.