Chaque jour, Vincent Hervouet traite d’un sujet international.
Le Président italien a demandé un délai de réflexion au chef de file du mouvement 5 étoiles et au patron de la Ligue, qui lui ont proposé de nommer un juriste, Giuseppé Conte à la tête du gouvernement. Le président veut consulter avant de se décider.
La nuit porte conseil et elle a dû être douce au Président Matterrella, soudain au centre de l’attention. Mais on ne voit pas trop pourquoi il refuserait de nommer l’illustre inconnu sur lequel se sont entendus les deux vainqueurs des élections.
Le président jouit de son pouvoir, mais ce n’est pas le Ducce non plus. Il passera à l’acte.
Cette petite comédie du Quirinal qui temporise, qui prend date, qui fait la leçon, qui montre que l’heure est grave et qu’il y a de quoi avoir peur, c’est le théâtre européen habituel ! Bruxelles aime les nuits blanches, les négociations au bord de la crise de nerf, les dilemmes insolubles, le piétinement, la dénonciation de l’intérêt égoïste des nations.
Ici même avant hier, Bruno Le Maire plus germanophile que jamais a fait ses gros yeux bleus aux Italiens qui mettront l’euro en péril s’ils renient leurs engagements sur la dette, le déficit, les banques.
On n’en est pas là.
Le "contrat pour un gouvernement du changement" a de quoi paniquer les voisins.
Mais il n’y a pas que l’Euro. Il y a aussi des leçons politiques à tirer. Il faut se demander pourquoi les Italiens vont avoir un gouvernement eurosceptique et souverainiste alors qu’ils adorent l’Europe. Rien à voir avec l’ambivalence française. Ou le quant à soi britannique. L’Union européenne est née il y a soixante ans à Rome. Le marché commun à 6, ce n’est pas l’empire romain… mais l’Italie est fière du communiste Spinelli et du démocrate chrétien De Gaspari, les pères fondateurs. L’Europe est le surmoi politique des Italiens.
Mais les Italiens viennent de renverser la table et de rompre avec un demi-siècle d’habitudes politiques !
L’Italie d’abord ! Le pouvoir au peuple et le peuple, c’est l’addition des mécontents, ceux qui se sentent oubliés par les partis, abandonnés par les élites, trahis par l’Europe qui leur fait en plus la leçon. La question des migrants a été le catalyseur d’une colère qui n’a cessé de monter, comme la marée humaine sur les côtes de Lampedusa.
La mesure phare du programme populiste, c’est bien l’expulsion massive des 600 000 immigrants sans visa.
Et cela s’inscrit dans un mouvement plus vaste, de recomposition en Europe. Le premier à l’initier a été Viktor Orban en Hongrie. Sa démocratie illibérale a balayé les vieux partis libéraux et pro européens. Elle a essaimé en Pologne, chez les Tchèques et les Slovaques qui réclament tous un nationalisme européen, c’est à dire qu’ils dénoncent l’immigration comme projet européen et l’islamisation du continent.
Et puis, il y a les eurosceptiques qui accèdent au pouvoir en cohabitation, comme en Autriche ou au Danemark. Partout, le choc en retour des migrations et du terrorisme.
Comme en Allemagne ou la petite centaine de députés de l’AFD rappelle à Angela Merkel qu’en ouvrant les bras aux nouveaux venus, elle a aussi ouvert la boîte de Pandore.