Chaque jour, Didier François traite d’un sujet international.
La Turquie commémorait hier le troisième anniversaire du putsch raté de 2016 désormais célébré comme une fête nationale par les fidèles du président Recep Erdogan. L’occasion pour les islamistes du parti au pouvoir de resserrer les rangs après leur défaite du mois dernier lors des élections municipales à Istanbul.
Oui, le fait est que la Turquie n’est plus tout à fait la même depuis cette tentative de coup d’Etat, qui est le point de départ d’une très forte radicalisation des partisans du président Erdogan. Il faut se rappeler qu’après leur prise du pouvoir en 2002 avec une large majorité, les islamistes de l’AKP cherchent à se rapprocher de l’Europe. Ils aiment définir à l’époque comme des "démocrates-musulmans", au sens de "démocrates-chrétiens", et mettent en place une politique économique assez libérale qui va permettre l’enrichissement des classes moyennes, et leur garantir pendant dix ans une certaine popularité politique.
Le ralentissement économique va entraîner un raidissement progressif du régime dès 2012, avec un effet boule de neige : protestation, répression, et une dérive autoritaire de Recep Erdogan qui n’aura de cesse de concentrer entre ses mains tous les pouvoirs constitutionnels.
Une situation qui a encore empirée après la tentative de putsch raté.
Absolument. Recep Erdogan en a profité pour lancer une chasse aux sorcières de très grande ampleur. Plus de 50.000 arrestations, quelques 150.000 limogeages dans l’administration, et évidement une véritable purge dans les armées. 18.000 mises à pieds et 8.000 procédures judiciaires qui ont totalement décapité les différents états-majors. Pourquoi ? Parce que depuis 1922 la révolution nationaliste de Moustapha Kamal Atatürk, l’armée était l’ultime garant de la laïcité du pays et donc considéré par Reccep Erdogan comme une potentielle force de résistance à sa nouvelle politique, de plus en plus alignée sur les positions des Frères musulmans, et en rupture avec les Occidentaux sur de très nombreuses questions internationales.
En Syrie par exemple, la Turquie s’en prend régulièrement aux milices kurdes qui sont le principal partenaire de la coalition contre Daesh, alors qu’elle soutien en sous-mains des groupes djihadistes dans la poche d’Idlib. De même, Recep Erdogan fournit également très ouvertement des armes à des formations islamistes proches du gouvernement en Libye malgré un embargo imposé par l’ONU.
On voit également la Turquie se rapprocher de la Russie.
Oui, un rapprochement spectaculaire illustré ce week-end par la livraison à Ankara d’un missile extrêmement sophistiqué : le S-400. Et cela malgré les mises en gardes répétées des Etats-Unis. Puisque ce type d’armement n’est absolument pas compatible avec le système de défense anti-aérien intégré des pays membres l’OTAN, dont la Turquie fait toujours partie, mais il pourrait en plus donner à la Russie à travers ses radars des informations vitales sur les capacités des tout nouveaux chasseurs américains F-35.
L’administration Trump a donc exclu les pilotes turcs du programme de formation sur ces avions et a donné à Ankara jusqu’au 31 juillet pour renoncer aux S-400 sous peine de sanctions économiques sévères.