Le marché aux livres de la rue Moutanabbi, du nom du célèbre poète irakien, est un havre de paix dans la capitale irakienne. Reportage de l'envoyée spéciale d'Europe 1.
Plus qu’une rue, Moutanabbi est une échappatoire en Irak. Tout le long de l’étroite artère bondée, des bouquinistes discutent près de leurs étals, des intellectuels refont le monde sur le banc des cafés.
Un havre de paix. Ce que l’on vient chercher ici va bien au-delà des livres. "Ici, je retrouve mes souvenirs, la belle époque, le Bagdad perdu des années 80", dit un passant. Pour un autre, "Moutanabbi est la seule rue encore vivante". Car, selon lui, "toutes les chances de vie sont perdues à Bagdad. Ici, bien sûr, le terrorisme est dans les discussions mais Moutanabbi est le seul endroit où l’on s’oxygène." L’attentat qui a visé la rue en 2007 est pourtant toujours dans les mémoires.
Moutanabbi et l'histoire de l'Irak. Seid Azam, marchand depuis 20 ans, témoigne de l’histoire irakienne à travers les goûts de ses clients. "Aujourd’hui, on me demande des livres de philosophie", explique-t-il. "Après la chute de Saddam en revanche, les gens voulaient les autobiographies des hommes politiques qui dénonçaient le régime. C’était l’époque où la vérité pouvait sortir."
Les femmes viennent y militer. Dans cette agora d’Irak, des politiques répondent à des interviews, des poètes déclament des vers devant des manifestations de femmes. Ici, nous sommes l’égale des hommes, dit une élégante professeur de sciences. En Irak, "on n’a pas cette culture de la femme qui sort de chez elle". Alors pour elle, aller rue Moutanabbi est un acte militant : "En fréquentant cette rue, on encourage les femmes à venir ici, à avoir un rôle dans la société. Je leur dis : ‘Assez d’isolement, montrez-vous!'" Elle vient chaque vendredi pour militer et pour savourer cette liberté qui s’étend sur ce kilomètre hors du temps.