Agnès Levallois, professeure à Sciences-Po et spécialiste du Moyen-Orient, était l’invitée de David Abiker, dimanche, pour traiter de la question syrienne.
Alors que les pourparlers de paix pour la Syrie, sous l'égide de l'ONU à Genève, ont été suspendus mercredi dernier, Agnès Levallois, professeure à Sciences-Po et à l’ENA, était l’invitée, dimanche, de David Abiker, dans C’est arrivé demain. Cette arabophone, analyste du Moyen-Orient, décrypte la guerre civile qui frappe la Syrie depuis plus de cinq ans.
Alep bombardée en continu. "Je crois qu’elle peut durer encore longtemps s’il n’y a pas une volonté, et essentiellement des Américains et occidentaux, de négocier véritablement avec la Russie pour trouver une solution à ce conflit", met en garde d'emblée Agnès Levallois. Après plusieurs jours de bombardements intensifs par l'armée russe, les rebelles syriens sont en très mauvaise posture à Alep, la deuxième ville et capitale économique du pays.
"Avec cette intervention massive de la Russie, le rapport de forces est complètement en train de changer, précise-t-elle. Le seul objectif des Russes est d’éliminer toute opposition à Bachar al-Assad". Cette stratégie est la même que celle qui avait été appliquée à la ville de Homs par le régime syrien, selon Agnès Levallois.
Bachar et ses solides alliés. “Le gros avantage de Bachar al-Assad est qu’il a deux alliés, qui n’ont jamais changé d’un iota depuis le début de la guerre, l’Iran et la Russie. Et ces alliés sont prêts à mettre absolument tous les moyens en oeuvre tout pour sauver ce régime“, analyse la spécialiste. D’autant que l’opposition, elle, ne bénéficie pas d’un soutien aussi constant que celui apporté par la Russie et l'Iran au régime.
La Turquie face aux flux migratoires. Ces bombardements sur la ville d'Alep n'ont fait qu'augmenter le nombre de familles syriennes prenant la fuite pour la Turquie, pays de transit pour des milliers de réfugiés aspirant à rejoindre l'Europe. “La Turquie va être contrainte de finir par ouvrir ses portes car la pression européenne est telle”, estime Agnès Levallois, qui rappelle que le grand pays d’Asie mineure a déjà fourni “un effort considérable”. Depuis le début du conflit, le pays "a déjà reçu plus de deux millions de réfugiés syriens".
Mais “ce n’est pas qu’une question d’argent d’accueillir deux, trois ou quatre millions de réfugiés sur son territoire, cela a des conséquences importantes“, pointe la spécialiste, alors que l'Europe exhorte le pays à héberger ces réfugiés et que 10.000 à 20.000 personnes attendraient actuellement dans une zone entre la frontière entre la Syrie et la Turquie. “C’est déjà une catastrophe humanitaire en Syrie”, rappelle Agnès Levallois qui complète : “il y fait très froid, il peut neiger, donc les conditions physiques sont extrêmement graves pour toutes ces familles”.
La confusion des objectifs. “Il y a la lutte contre Daech et la solution politique à trouver pour régler la question syrienne”, distingue Agnès Levallois qui déplore "l’amalgame" effectué par les Américains et les Européens : “on ne parle jamais de la même chose, il n’y a jamais concordance d’objectifs”. Car, explique-t-elle, même si la coalition décide de plus bombarder les bases de Daech en Syrie et en Irak, “cela ne règle pas la question politique”.
La coalition parvient-elle à affaiblir Daech ? Quant à la progression de l'Etat islamique, “cette organisation est affaiblie en Irak et en Syrie, à la suite des bombardements. Elle n’arrive plus à accroître la domination sur ce territoire", indique Agnès Levallois. “En bombardant les puits de pétrole”, la coalition frappe l’une des ressources majeures de l’Etat islamique. “Des acquis notables, mais pas suffisants pour lutter contre cette organisation”, conclut l'analyste.
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