Quand il s'installe en 1919 dans son dernier appartement à Paris, Marcel Proust demande à sa servante dévouée d’observer sa voisine. Pourquoi ? Par souci du détail ! Découvrez cette histoire dans cet épisode bonus de "Au Cœur de l'Histoire".
En écoutant le récit consacré au prix Goncourt et à Marcel Proust, vous avez peut être eu envie d'en savoir plus sur la vie de l'écrivain. Dans cet épisode bonus de "Au cœur de l'histoire", le spécialiste histoire Jean des Cars vous raconte comment et pourquoi le romancier espionnait sa célèbre voisine : Hélène Standish.
En 1919, lorsqu'il s'installe dans son dernier appartement à Paris, rue Hamelin, Marcel Proust demande à sa fidèle Céleste Albaret d’observer sa voisine, Madame Standish. Marcel Proust s’intéresse beaucoup à la belle Madame Henri Standish, née Hélène des Cars, pour la petite histoire. Il l’a rencontrée en 1912, lors d’une générale de théâtre où l’avait convié la comtesse Greffulhe. Il l’avait trouvée "épatante, d’élégance marinée, d’une simplicité artificieuse". L’écrivain se renseigne auprès de Jeanne de Caillavet sur les toilettes portées par les deux dames. Il veut s’en servir pour opposer les tenues de la princesse et de la duchesse de Guermantes à l’opéra. "Deux façons de comprendre la toilette, l’élégance, très différentes, très opposées", disait-il.
C’est la comtesse Greffulhe qui est le modèle de la duchesse de Guermantes et Hélène Standish celui de la princesse. Il décrira leurs robes d’une façon extraordinaire, dans la scène célèbre de la loge à l’opéra dans "A la Recherche du Temps Perdu".
Une duchesse qui avait ses entrées à Buckingham Palace
Hélène Standish est une des personnalités les plus marquantes et les plus discrètes de la société parisienne. Fille de duc, elle avait épousé un Anglais fortuné, proche de la Cour de Saint-James. Elle était l’une des maîtresses du prince de Galles, devenu le roi Edouard VII d’Angleterre. Elle avait ses entrées à Buckingham Palace. On la comparait souvent à la reine Alexandra, l’épouse du roi, à qui elle ressemblait et avec qui elle s’entendait fort bien.
Quand Céleste Albaret dit à Proust que de la fenêtre de la cuisine elle a une vue plongeante sur la salle à manger des Standish, Marcel est aux anges. Il lui demande d’examiner la façon dont la table est dressée, comment se passe le service, quel est le menu, qui est invité(e), comment est vêtue la maîtresse de maison. Céleste s’acquitte volontiers de sa tâche. Proust voyeur ? Non ! Proust enquêteur ! On sait que Marcel Proust se documente sans arrêt. Tout est sujet à réflexions et à interprétations. Proust se défend de reproduire des modèles. Il s’inspire de quelques détails de telle ou telle personne pour en inventer une autre.
Le souci du détail
Lorsqu’il avait demandé à Madame de Caillavet de l’aider à décrire les robes de la comtesse Greffulhe et de Hélène Standish, il l’avait suppliée de garder le secret. Il lui expliquait que "les deux femmes que je recouvrirai - comme deux mannequins - de leurs robes n’ont aucun rapport avec elles, que mon roman n’a aucune clé, que si je leur en parle, et si après cela mes personnages femmes sont empoisonneuses ou incestueuses, ou n’importe quoi, elle croiront que j’avais voulu dire cela d’elles".
Marcel Proust est un immense romancier. Son imagination est suffisamment riche pour ne pas copier mais pour inventer. Cela ne l’empêche pas d’avoir le souci du détail juste que seule la réalité peut lui apporter.
Vous voulez écouter les autres épisodes de ce podcast ?
>> Retrouvez-les sur notre site Europe1.fr et sur Apple Podcasts, SoundCloud, Dailymotion et YouTube, ou vos plateformes habituelles d’écoute.
>> Retrouvez ici le mode d'emploi pour écouter tous les podcasts d'Europe 1
"Au cœur de l'histoire" est un podcast Europe 1 Studio
Auteur et présentation : Jean des Cars
Cheffe de projet : Adèle Ponticelli
Réalisation : Guillaume Vasseau
Diffusion et édition : Clémence Olivier
Graphisme : Europe 1 Studio
Direction Europe 1 Studio : Claire Hazan