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SAISON 2019 - 2020, modifié à

En 1919, l'écrivain Marcel Proust recevait un prix prestigieux : le Goncourt. Dans ce nouvel épisode de "Au cœur de l'histoire", produit par Europe 1 Studio, Jean des Cars revient sur le sacre très critiqué d'un génie de la littérature. 

Alors que l’Académie Goncourt vient de renouveler deux de ses membres, Jean des Cars revient sur un grand moment de l’histoire de ce cénacle littéraire. C’était il y a près d’un siècle, le 10 décembre 1919, l’Académie Goncourt couronnait "À l’ombre des jeunes filles en fleurs". Dans ce nouvel épisode de "Au cœur de l'histoire", produit par Europe 1 Studio, découvrez l'histoire du "couronnement littéraire" de Marcel Proust. 

C’était il y a près d’un siècle, le 10 décembre 1919, l’Académie Goncourt couronnait A l’ombre des jeunes filles en fleurs. C’est le deuxième volume de A la Recherche du Temps perdu, cet ensemble magistral et sans précédent de Marcel Proust. 

S’agit-il du couronnement d’une carrière ? Pas vraiment car à cette époque, Marcel Proust n’est connu que d’un tout petit cénacle. Il a 48 ans et il a encore très peu publié. C’est tout le mérite de l’Académie Goncourt d’avoir décelé dans A l’ombre des jeunes filles en fleurs l’oeuvre d’un écrivain au talent différent de tous ses compétiteurs et qui est en train d’édifier un monument unique dans la littérature française.

La critique, dans son ensemble, ne va malheureusement pas adhérer au choix des Goncourt. En cette fin de l’année 1919, la Première Guerre mondiale, ses tragédies et ses conséquences, occupent tous les esprits et le rival le mieux placé de Proust était Roland Dorgelès, romancier qui s’était fait connaître par ses ouvrages sur la bohème littéraire de Montmartre et venait d’apporter son témoignage sur la guerre, intitulé Les Croix de bois, récit impressionniste d’un homme qui s’était engagé dans l’infanterie dès le début des hostilités et avait combattu près de quatre ans dans les tranchées. 

Les critiques féroces pleuvent

Les critiques, féroces, vont pleuvoir sur Proust dès qu’on apprend que ce n’est pas Dorgelès qui a le prix Goncourt. A Proust, on va tout reprocher : son âge, sa supposée fortune, de n’avoir pas fait la guerre (il avait été réformé), la vanité du milieu qu’il décrit, son style aux phrases si longues qu’il faut parfois s’y prendre à deux fois pour les lire et le trop grand nombre de pages de son livre... En bref, le lauréat a tout faux !

Or, ce n’est pas la première fois que Marcel Proust tentait d’obtenir le prix Goncourt. Déjà, en 1913, il avait présenté Du côté de chez Swann, première partie de  A la Recherche du Temps perdu. S’il avait suscité l’admiration de quelques uns, il n’avait obtenu aucune voix parmi les dix membres de l’ Académie Goncourt. Il faut dire que son livre était paru en novembre chez Grasset (à compte d’auteur, c’est à dire payé par Proust lui-même) et que le prix Goncourt étant alors attribué début décembre (aujourd’hui, c’est au début novembre), aucun des dix membres du jury n’avait eu le temps de lire un roman d’une telle ampleur. Finalement, Marcel Proust avait eu un certain courage de tenter à nouveau sa chance, six ans plus tard…

Un homme ravi mais qui ne le montre pas

En général, quand un écrivain pense avoir quelque atout pour un prix littéraire important, une certaine fébrilité le gagne à l’approche des dernières délibérations. Et, dans le cas du Goncourt, il se tient prêt à gagner au plus vite le restaurant Drouant, près de l’avenue de l’Opéra, siège de l’Académie Goncourt depuis 1914, pour y recevoir son prix. Or, il n’en est rien pour Marcel Proust. Lorsque le jury délibère et rend son verdict, l’auteur dort dans sa chambre de la rue Hamelin, non loin du Musée Guimet. C’est très étonnant car Roland Dorgelès, son rival malheureux, attend, lui, dans un café proche du restaurant Drouant. 

Si Marcel Proust sommeille chez lui, son éditeur Gaston Gallimard veille : lui et son équipe de la Nouvelle Revue Française sont installés au rez-de-chaussée de Drouant. Sitôt la nouvelle connue, les gens de la NFR se précipitent au domicile de Proust, rue Hamelin, montent les cinq étages à pied car il n’y a pas d’ascenseur et sonnent. La fidèle Céleste Albaret ouvre à ces inconnus. Ils sont stupéfaits de découvrir qu’elle ne sait pas que Proust a le prix Goncourt car cet appartement n’a pas le téléphone, ce qui contrariait Proust car il pratiquait beaucoup ce qu’il appelait ses  téléphonages. Céleste va réveiller le lauréat : "Monsieur, j’ai une grande nouvelle à vous annoncer : vous avez le prix Goncourt". Proust, à moitié assoupi, va prononcer la phrase la plus brève de sa vie : "Ah !..." 

Gaston Gallimard et ses collaborateurs insistent pour être reçus malgré le refus de Proust qui leur demande de revenir le lendemain. A l’insistance de Gaston Gallimard, il y a une très bonne raison : il ne reste plus en stock que quelques exemplaires de  A l’ombre des jeunes filles en fleurs . Il va donc se rendre d’urgence chez son imprimeur, à Abbeville, dans la Somme, pour lancer une réimpression sans quoi le prix Goncourt ne sera pas dans les librairies...

Le lauréat reçoit ces visiteurs couché dans son lit, tout habillé. L’appartement est froid. On sent l’odeur insistante des inhalations que Proust utilise contre les crises d’asthme qui le torturent. L’éditeur remarque qu’il éprouve tout de même de la joie. Céleste le confirme : "Il est ravi mais ne le montre pas…"

L'année 1919 avait pourtant mal commencé

Mais bien sûr, ce prix il ne le reçoit pas par hasard : il a fait campagne et  il savait qu’il avait ses chances... Toutefois, pour Marcel Proust, l’année 1919 avait mal commencé. Une laryngite et 39°C de fièvre le clouent au lit. Il se remet à peine lorsqu’à la mi-janvier, il apprend que sa tante et propriétaire de l’immeuble du 102 boulevard Haussmann, dans le 8e arrondissement de Paris, qu’il habite depuis la mort de mère, vient de le vendre à la Banque Varin-Bernier. 

Pour lui, c’est une catastrophe. On sait qu’il avait aménagé sa chambre, où il écrivait essentiellement dans son lit, en la tapissant de panneaux de liège qui le protégeaient des bruits de la ville. Cet asthmatique, gravement handicapé depuis l’enfance par une affection encore mal connue, y traitait son mal avec force fumigations et d’étranges régimes. En fait, le malade en sait plus que la faculté sur son état, notamment sur l’influence des conditions atmosphériques. Pour lui-même, Proust est une sorte de " médecin malgré lui ", extrêmement maniaque sur ses auto-prescriptions.

L’idée même du déménagement était un cauchemar, d’autant plus qu’il était en train de corriger les épreuves de la deuxième partie de La Recherche, A l’ombre des jeunes filles en fleurs, ainsi que la réédition du premier tome, Du côté de chez Swann, paru en 1913 et de ses Pastiches et Mélanges, publiés par Le Figaro. Il le fait pour un nouvel éditeur, la Nouvelle Revue Française, dirigée par Gaston Gallimard, où André Gide, membre du comité de lecture de cette même NRF, ne se remet pas d’avoir refusé pour cet éditeur le manuscrit de Du côté de chez Swann en 1913. L’auteur va néanmoins parvenir à concilier travail, vie mondaine et la quête d’un nouvel appartement.

Il avait accepté, le 28 mai, l’offre de son ami Jacques Porel qui lui proposait une nouvelle adresse, dans l’immeuble de sa mère, la célèbre comédienne Réjane, au 4ème étage du 8 bis rue Laurent Pichat, à deux pas de l’avenue Foch, dans le 16ème. Dans cet appartement meublé, Marcel Proust  est très malheureux, malgré l’immense admiration qu’il a pour Réjane et le plaisir qu’il éprouve à la rencontrer, car les cloisons laissent passer l’activité de la rue et, pire, la vie intime et bruyante de ses voisins... Très vite, il demande à sa dévouée Céleste Albaret de chercher une autre résidence. Le 10 septembre 1919, il s’installe 44 rue Hamelin, près de la place d’Iéna, dans un cinquième étage sans ascenseur où il va pouvoir placer une partie de ses meubles et de ses tableaux, portraits de ses parents, le sien par Jacques-Emile Blanche dans le salon, sa chère bibliothèque noire renfermant les œuvres de Mme de Sévigné, Saint-Simon et John Ruskin dans un boudoir. Cette adresse, qui devait être, elle aussi, provisoire, sera son dernier appartement, où il achèvera son oeuvre.

Le Goncourt : le prix le plus prestigieux que puisse recevoir un romancier

Au printemps 1919, la parution de A l’ombre des jeunes filles en fleurs  n’avait pas provoqué un immense engouement de la presse. Il y a eu quelques critiques, parfois méchantes et d’autres plus élogieuses. En fait, Proust, mécontent de la mise en place de son livre dans les librairies, est déçu par l’accueil journalistique. Néanmoins, il se prend à rêver à nouveau du Goncourt malgré son échec en 1913. Pourquoi ? Tout simplement parce que le Goncourt est le prix le plus prestigieux que puisse recevoir un romancier. Les frères Goncourt, Edmond et Jules, considérant que l’Académie française ne reconnaît pas assez la valeur du roman puisqu’elle a refusé Balzac, Dumas et Zola, avaient décidé de fonder une académie qui porterait leur nom, accueillant dans ses rangs des auteurs de romans et qui aura pour mission de récompenser chaque année le talent d’un jeune écrivain débutant. Ils souhaitaient que ce prix couronne "le meilleur roman d’imagination en prose ". 

Pour financer ce prix, les deux frères ont convenu que seraient vendus aux enchères, après leur mort, leurs exceptionnelles collections. Jules meurt en 1870, Edmond en 1896 et la dispersion de leurs trésors commencera le 15 février 1897 pour se terminera à l’été. Meubles de Boulle, sanguines de Fragonard, pastels de Watteau, porcelaine de Meissen, tapisseries des Gobelins et d’Aubusson, éblouissante bibliothèque enrichie d’autographes : que des merveilles. Les sommes récoltées sont considérables et les rentes permettront de doter le lauréat d’un prix de 5.000 francs, somme énorme pour l’époque. Un conducteur d’autobus touchait 10 francs par jour et le directeur de la NRF percevait 2.000 francs mensuels. En appliquant le mécanisme de compensation financière, le montant du prix serait aujourd’hui de plus de 6.000 euros.

L’Académie, fondée en 1896, avait été reconnue d’utilité publique en 1903, lors de sa première réunion. Son jury se compose de dix membres, uniquement des hommes à l’époque. Il se réunit une fois par mois et décerne son prix au début du mois de décembre. Pour compléter le tableau, il faut quand même dire que l’ Académie Goncourt n’avait, jusque là, pas eu plus de flair que l’ Académie française puisqu’en 1913, outre Du côté de chez Swan, elle avait du choisir entre  Barnabooth  de Valéry Larbaud,  Le Grand Meaulnes  d’Alain Fournier, Jean Barois  de Roger Martin du Gard et avait couronné Le peuple de la mer  de Marc Elber, un auteur inconnu et qui le restera…

Des soutiens de poids

Si Proust semble croire à sa chance en 1919, c’est qu’entre 1915 et 1918, l’Académie n’avait choisi que des œuvres patriotiques liées à la guerre et ce type de publications abondait encore en 1919, provoquant une certaine lassitude du public. Proust avait commencé sa campagne du fond de son lit. Il a de la chance : il peut compter, dès le départ, sur le soutien de Léon Daudet, fils d’ Alphonse Daudet et frère de Lucien Daudet, grand ami de Marcel Proust. Léon Daudet est enthousiasmé et assure Marcel qu’il fera campagne pour lui. Un autre soutien de poids est Rosny Aîné, auteur, avec son frère Rosny Jeune, de La guerre du feu, qui lui écrit, le 25 octobre : "Vous avez ajouté quelque chose à mon univers humain ; depuis longtemps, je n’avais fait un si beau voyage… Si vous y consentez, il me sera impossible de ne pas voter pour vous ".

Encore plus important, le président du prix, Gustave Geffroy, grand amateur de l’Impressionnisme et anarchiste mondain, semble pencher pour Proust ; Rosny Aîné le confirme à Marcel. C’est important car en cas d’égalité des voix, 5 contre 5, son vote compte double. Un autre académicien, qui n’a jamais rencontré Proust, Elémir Bourges, un symboliste  retranché du monde, est d’emblée séduit par le livre de Proust. Henri Céard, très lié aux Daudet, semble aussi vouloir voter pour Proust. 

L’affaire se présente donc plutôt bien et le 10 décembre 1919, après avoir déjeuner, le jury passe au scrutin. Au premier tour, Proust obtient les cinq voix des académiciens qui s’étaient engagés pour lui. Dorgelès a trois voix et les deux restantes se portent sur d’autres ouvrages. Au deuxième tour, Proust conserve ses cinq voix, Dorgelès a quatre voix, donc une de plus. Rosny Jeune choisit un autre candidat. En effet, les deux frères Rosny siégeaient au Goncourt depuis le début et Rosny Jeune, pour se démarquer de son frère, n’avait encore jamais voté comme lui. Au troisième tour, Rosny Jeune va, pour la première fois, faire le même choix que son frère. Marcel Proust remporte donc le prix par six voix contre quatre à Roland Dorgelès.

Une polémique sans précédent commence

Le lauréat va recevoir mille lettres de félicitations qui vont le combler et compenser la terrible campagne de presse qui va dénigrer sa légitimité au Goncourt. Une polémique sans précédent commence. D’abord, il est beaucoup trop âgé pour avoir reçu ce prix. Les journaux racontent n’importe quoi. Le Canard déchaîné (une variante de son célèbre titre, du 15 octobre 1918 au 29 avril 1920), le fait naître en 1852 ce qui donne au lauréat la presque soixantaine. L’Humanité  lui donne 50 ans passés. Proust finit par en rire : "La veille du prix, je n’avais pas de chance de l’obtenir parce que j’avais 47 ans. Le lendemain, j’étais indigne de l’avoir obtenu parce que je frisai la cinquantaine. En 24 heures, je la dépassai. J’en suis maintenant à 58 ans. Je me vois vieillir avec la rapidité d’un personnage de féérie. J’attends avec résignation d’être prochainement centenaire ! ". 

Plus que son âge, auquel il ne peut rien, on accuse Proust d’avoir acheté le jury. Noël Garnier, dans Le Populaire, écrit : "Nous, les anciens soldats, avons élu Dorgelès. Marcel Proust doit son prix à la reconnaissance de six hommes dont il a flatté l’estomac". 

Les Anciens Combattants se déchaînent. Ils accusent l’Académie Goncourt de n’avoir pas préféré un livre de guerre. On reproche aussi à Proust de décrire un monde en décalage total avec les souffrances de la France héroïque et de l’après-guerre. Binet-Valmer, un critique obsédé par les livres de guerre, écrit : "Messieurs de l’Académie Goncourt, vous n’étiez pas à la guerre. Vous avez le goût le plus délicat, et je vous aurais applaudi si vous aviez couronné Proust en 1913. Mais voilà ! Il y a eu la guerre, toute la poésie de la guerre. Nous en sommes saturés, nous écoutons des voix, nous voudrions leur donner un écho et c’est pourquoi nous aimons Dorgelès. C’est pour cela, parce que la guerre a renouvelé la poésie ".

Le reproche le plus grave qui est fait à l’ Académie Goncourt est d’avoir élu le candidat de Léon Daudet  Le Journal du Peuple  condamne Marcel Proust : "Il n’est pas inutile de signaler que Monsieur Marcel Proust est réactionnaire, comme tous les hommes de lettres, amateurs ou professionnels, qui, pour imposer leur oeuvre, comptent sur les relations mondaines et le suffrage des " salonnards " plus que sur leur travail et sur leur talent. M. Marcel Proust était, dit-on,le favori et le protégé de M. Léon Daudet. Et M. Daudet, depuis qu’il n’a plus en face Mirbeau, qui lui faisait peur, se flatte de mener l’ Académie Goncourt à la cravache. " 

Le journal Le Pays  énonce une énormité : "Le Goncourt préférera laisser de côté un écrivain d’un remarquable talent plutôt que de couronner un Dreyfusard." Cette remarque est ridicule : Dorgelès avait 9 ans lorsqu’on avait dégradé le capitaine Dreyfus et Proust, qui n’avait jamais manifesté la moindre opinion politique, a été officiellement dreyfusard dès le début de l’affaire, ce que confirmera d’ailleurs Léon Daudet. La gauche n’en démord pas : Proust est un réactionnaire. Raymond Lefebvre se déchaîne contre lui dans Clarté : " L’homme bien élevé, bien habillé et bien pensant, l’homme qui ne s’est pas aperçu de la guerre, n’a pas entendu la guerre et qui continue son XIX e siècle en 1919...Parlons cru : M. Proust n’écrit pas. Son genre est à gifler.... Le Prix Goncourt 1919 marque un succès de plus pour le Bloc National. On vote bien en France cette année. En politique, tous les Rothschild triomphent. En littérature aussi. On pavoise "  Du côté de chez Swann "... 

Un mauvais coup d'Albin Michel

Ces attaques sont tellement rudes, tellement sans fondement, qu’elles n’atteignent pas réellement Marcel Proust. En revanche, sa susceptibilité d’auteur va être mise à l’épreuve par un mauvais coup de l’éditeur de Roland Dorgelès, Albin Michel, qui fait figurer sur la couverture des Croix de Bois, en grosses lettres :  Prix Goncourt et en dessous, en caractères plus fins, précise : "4 voix sur 10". Si ce n’est pas de la concurrence déloyale, cela y ressemble ! Gallimard assignera Albin Michel devant le tribunal de Commerce. Le verdict sera rendu le 20 mai 1920 : "Albin Michel a causé un préjudice certain à la Librairie Gallimard qui a été privée de meilleurs bénéfices par une mévente de son livre ". Albin Michel est condamné à supprimer la bande controversée et  payer 2.000 francs à la librairie Gallimard, à titre de dommages et intérêt.

Même si Marcel Proust peut considérer que son Goncourt " a été saboté ", le livre est néanmoins un succès. Pour un volume si difficile et qui nécessite pour sa compréhension l’acquisition du tome précédent Du côté de chez Swann, les ventes à la fin de 1920 de A l’ombre des  jeunes filles en fleurs atteignent 23.100 exemplaires. Mais la polémique a été payante pour Les Croix des Bois : le livre s’est vendu quatre fois plus, à 85.156 exemplaires...

Au-delà des attaques mesquines, des jalousies d’éditeurs, des mauvaises manières de ses rivaux, Proust est heureux en cette fin d’année 1919. Les marques d’affection et d’amitié qui l’ont submergé compensent le reste. Jean-Yves Tadié raconte : "Pour se consoler d’un succès qui n’est pas allé sans chagrins, sans fatigues, ni énervements, et qui ne lui épargne aucune injure, il réveillonne (seul repas dont l’heure lui convienne parfaitement) le 31 décembre 1919 chez Cécile Sorel avec l’Infant d’Espagne, la duchesse de Gramont, José-Maria Sert, Bernstein, Croisset ". 

Un condensé proustien. Néanmoins, à partir de 1920, la courte vie de Marcel Proust va devenir une véritable course contre la montre. Il sent qu’il lui reste peu de temps (ce temps qui est le sujet de son livre) pour terminer, corriger, retravailler sans cesse les cinq volumes qui vont parachever son oeuvre : Le côté de Guermantes, Sodome et Gomorrhe, la Prisonnière, Albertine disparue, le Temps retrouvé.

Au début d’octobre 1922, il prend froid. C’est une bronchite qu’il ne veut pas soigner.Il passe ses nuits à remanier Albertine disparue. Le 8 novembre, son état s’aggrave. Son frère médecin, Robert Proust, le supplie de se laisser hospitaliser mais il refuse : il a trop de travail. Le 17 novembre, il est pris d’intolérables suffocations. Son frère est auprès de lui. Il soulève ses oreillers pour le soulager, en lui disant : "Je te remue beaucoup, mon cher petit...Je te fais souffrir ? Oh oui , mon cher Robert !" lui dit Marcel.

Ce sont ses dernières paroles. Il meurt le samedi 18 novembre 1922, à 5 heures du matin, laissant une oeuvre définitive, qui traversera le temps. En le couronnant, l’Académie Goncourt a pris le risque d’un choix difficile provoquant des attaques violentes. Mais c’est son honneur d’avoir mis en lumière un génie de la littérature et de l’avoir stimulé dans l’achèvement de ce monument, A la Recherche du Temps perdu ...

 

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"Au cœur de l'histoire" est un podcast Europe 1 Studio

Auteur et présentation : Jean des Cars 

Cheffe de projet  : Adèle Ponticelli

Réalisation : Guillaume Vasseau

Diffusion et édition : Clémence Olivier

Graphisme : Europe 1 Studio

Direction Europe 1 Studio : Claire Hazan