Au moins 17 femmes ont été élues aux élections municipales organisées samedi en Arabie Saoudite alors que c'était la première fois que des femmes avaient le droit de voter et de se porter candidates.
C’est l’autre élection marquante de ce week-end. Au moins 17 femmes ont été élues aux élections municipales organisées samedi en Arabie Saoudite. C’est la première fois que des femmes avaient le droit de voter et de se porter candidates. Et dans ce royaume ultraconservateur, connu pour être l’un des plus restrictifs à l’égard du droit des femmes, peut-on déjà dire que leur émancipation est en marche ?
On voudrait le croire et même l’espérer pour les Saoudiennes qui vivent dans le dernier pays au monde où les femmes n’avaient aucun droit politique. Mais il est évident qu’il s’agit d’une marche à petits pas, et qui reste jusqu’ici toujours assez symbolique, notamment quand on la compare au chemin qui reste à parcourir. La femme saoudienne ne peut pratiquement rien faire de sa propre autorité. Elle n’a pas le droit de conduire. Elle a besoin d’un tuteur, qu’il soit un mari, un père ou un frère, si elle veut voyager, travailler, étudier, et même si elle veut simplement consulter un médecin. Le plus souvent, elle doit aussi supporter la polygamie, ou même d’être battue, sans disposer de moyens sérieux de recours, puisque son mari a pratiquement tous les droits. Comme celui de la faire lapider, par exemple, en cas d’adultère. Cette élection municipale ne va rien changer à ces règles venues d’un autre âge. D’ailleurs seules 130.000 femmes se sont inscrites sur les listes électorales, soit 10 fois moins que les hommes. Seulement 900 d’entre elles ont été candidates pour un peu plus de 2000 sièges à pourvoir. Et cette petite vingtaine de femmes qui siègeront ne représentent qu’à peine 1% des élus. Il n’empêche qu’hier, certaines avaient les larmes aux yeux à l’annonce des résultats. Tandis que le grand mufti du pays, la plus haute autorité religieuse qui veille sur une stricte application de la Charia, a déclaré que ce vote ouvrait la porte au diable. Ce qui veut peut-être dire qu’il n’est pas aussi insignifiant qu’il y parait.
Concrètement, que va changer la présence de cette vingtaine de femmes dans les conseils municipaux, qui ont d’ailleurs des pouvoirs très limités ?
Ça ne va sans doute pas changer grand-chose. Car le pouvoir de ces municipalités est réduit aux questions d’infrastructures, comme par exemple les routes. Et il est essentiellement d’ordre consultatif, puisque la monarchie et les familles princières gardent la main sur à peu près tout. D’ailleurs, dans le pays, personne ne sait encore très bien à quoi servent exactement ces conseils municipaux. Cela dit, depuis 10 ans, ils représentent quand même la seule institution du royaume dont la plupart des membres sont élus, et non pas nommés. Et désormais, quelques femmes seront donc associées à cet embryon de vie démocratique.
On imagine que cette élection n’aurait pas pu se faire sans l’approbation des plus hautes autorités du royaume.
C’est effectivement une monarchie absolue où rien ne peut se décider sans l’aval du roi. Or le roi Salman est lui-même considéré comme un ultraconservateur qui n’a pas montré beaucoup de signes d’ouverture jusqu’ici, que ce soit en matière de discrimination ou de droits humains. Et la terrible condamnation du bloggeur Raif Badawi à 1.000 coups de fouets est là pour nous le rappeler. Mais l’ouverture du droit de vote aux femmes a été une décision de son prédécesseur, le roi Abdallah, qui avait également nommé une trentaine de femmes au conseil de la Choura, qui fait office de parlement. C’était au moment des printemps arabes. Pour donner quelques gages de modernité. Et visiblement, le nouveau roi a jugé plutôt utile de s’y tenir.
Alors au fond, est-ce qu’il s’agit d’une véritable avancée pour les femmes ou bien d’un geste de façade destiné une fois de plus à redorer l’image du royaume ?
Il y a en fait un peu des deux. Bien sûr, c’est l’intérêt du royaume de se montrer sous un jour un peu moins archaïque, notamment aux yeux de ses clients ou de ses partenaires occidentaux. Et il y a en même temps la nécessité d’ouvrir progressivement les vannes d’une société où 70% de la population a moins de 30 ans. Une jeunesse qui se reconnaît de plus en plus difficilement dans cet obscurantisme qui l’étouffe.