Le Général Mohamed Mediène dit Toufik a adressé une lettre à plusieurs médias algériens pour défendre l'ancien patron de la lutte anti terrorisme, le général Hassan.
C’est une première dans l’histoire de l’Algérie. L’ancien patron des services secrets, le général Mohamed Mediene dit Toufik a adressé une lettre à plusieurs médias algériens pour défendre l’ex patron de la lutte anti-terroriste, le général Hassan, qui a été condamné fin novembre à cinq ans de prison.
Cette affaire en dit long sur le climat qui règne actuellement à Alger, au plus haut sommet de l’État.
C’est effectivement une affaire qui apparait presque incroyable quand on connait un peu le mode de fonctionnement de l’État algérien, et notamment quand il s’agit des services de sécurité, c’est-à-dire du sommet de l’armée, qui a toujours été au cœur du pouvoir. A tel point que les Algériens, eux-mêmes, n’en ont pas cru leurs yeux, en découvrant cette lettre parue vendredi dans la plupart des grands quotidiens du pays. Alors pour comprendre leur incrédulité, il faut d’abord rappeler que le général Mediene a dirigé pendant 25 ans le département du renseignement et de la sécurité, le redoutable DRS, avant d’être mis à la retraite à la fin de l’été dernier. Mais rappeler surtout qu’à 76 ans, cet homme de l’ombre ne s’était jamais exprimé publiquement, et encore moins dans la presse. Et qu’il cultivait tellement le secret que même publier une photo de lui avait longtemps été interdit. C’est donc cet homme quasi invisible qui a décidé de prendre à témoin l’opinion. Pour défendre un homme qui a longtemps été sous ses ordres. Et pour dénoncer une condamnation qu’il estime injuste et déshonorante.
Pourquoi le général Hassan a-t-il été condamné et que dit précisément le général Mediene dans sa lettre ?
Le général Hassan, de son vrai nom Abdelkader Aït Ourabi était l’un des hommes clé de la lutte anti-terroriste en Algérie, et il dirigeait le Scorat, l’unité d’élite du renseignement. Or c’est après avoir été placé à la retraite d’office l’an dernier, qu’il a été condamné à huis-clos par le tribunal militaire d’Oran, pour "destructions de documents" et "infractions aux consignes générales". Il semble que cela soit à la suite d’une opération qui demeure encore aujourd’hui assez mystérieuse. Mais pas mystérieuse pour tout le monde, et surtout pas pour le général Mediene, qui écrit noir sur blanc que son ancien subordonné a toujours agi dans le respect des normes, et en rendant compte au moment opportun. "Je l’en ai même félicité", précise le vieux général qui se dit consterné par le verdict, et qui demande une révision du procès aux plus hautes autorités du pays, c’est-à-dire au président Bouteflika lui-même.
Quel est au fond le véritable enjeu derrière ce procès ?
A l’évidence, ce n’est pas seulement une affaire de respect des procédures militaires, ni même un règlement de comptes au sein de l’armée. Tout indique au contraire que la condamnation du général Hassan est d’abord le dernier épisode d’un formidable bras de fer qui oppose le président Bouteflika et son entourage à une partie de l’armée et des services de sécurité. D’ailleurs, ces derniers mois, plusieurs autres officiers supérieurs ont eux aussi été placés à la retraite d’office, ou jetés en prison sous des motifs divers. Alors officiellement, tout cela ne viserait qu’à nettoyer les écuries d’Augias de l’armée algérienne, et à imposer un rajeunissement des cadres militaires, pour faire monter une nouvelle génération d’officiers, notamment dans les services secrets. Mais en réalité, on peut aussi y percevoir la volonté du président Bouteflika et de son clan, de reprendre la main sur l’appareil militaire.Y compris dans la perspective d’une succession. Comme vous le savez, la semaine dernière, le président algérien était une nouvelle fois en France, pour y recevoir des soins.
Finalement, quelles sont les conséquences possibles de ces affaires ?
Sur le plan intérieur algérien, on peut dire que ces luttes de clan paralysent en partie les institutions, ce qui est fort regrettable dans un pays qui a le plus grand besoin d’un État fort, qui s’attaque vraiment aux questions essentielles : le chômage des jeunes, le clientélisme ou la corruption. Mais en déstabilisant l’armée et les services secrets, elles risquent aussi d’avoir un effet néfaste en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Or au moment où la coopération, et même l’implication de l’Algérie n’a jamais été aussi indispensable, que ce soit au Sahel ou en Libye, ça peut devenir très inquiétant.