Le parti populaire du premier ministre espagnol Mariano Rajoy reste en tête des sondages pour les législatives en Espagne mais n’est pas assuré de pouvoir gouverner seul.
A trois jours du scrutin, le résultat des législatives de dimanche prochain n’a jamais paru aussi indécis. Le Parti populaire du premier ministre Mariano Rajoy reste en tête des sondages mais n’est pas assuré de pouvoir gouverner seul. Le Parti socialiste est talonné par des nouvelles formations qui lui disputent la deuxième place. Et cette élection pourrait bien marquer la fin de l’hégémonie des deux grands partis qui se sont succédé au pouvoir depuis le rétablissement de la démocratie en 1979.
Il faut comme toujours être extrêmement prudent avec les sondages. Il y a pourtant trois chiffres qu’on peut dores et déjà considérer comme fiables, et qui sont un bon indicateur de ce qui est sans doute en train de se passer en Espagne. Le premier, c’est celui de la participation prévisible, qui atteindrait un taux record de 80%. Ce qui prouve l’intérêt manifeste des Espagnols pour ce scrutin dont ils attendent beaucoup. Le second indicateur, c’est le nombre très important d’indécis, 40%, qui montre que les jeux sont loin d’être faits, et que tout peut encore basculer. Le troisième chiffre, et c’est peut-être le plus révélateur, indique que les deux grandes formations qui ont jusqu’ici dominé la vie politique espagnole, la droite et les socialistes, ne recueilleraient plus que la moitié des intentions de vote, alors qu’elles s’en partageaient près de 80% depuis la fin du franquisme. Bien sûr, c’est la crise, le chômage, les emplois précaires et surtout les innombrables affaires de corruption qui ont miné ces deux grands partis traditionnels. Mais ce qu’il y a de particulièrement remarquable en Espagne, c’est que le ressentiment du peuple contre une classe dirigeante discréditée ne s’est pas traduit par l’émergence d’un populisme d’extrême droite, comme en France. Mais au contraire par la montée de nouvelles formations issues d’un mouvement citoyen, et qui sont plutôt à l’extrême gauche ou au centre. Et dimanche, très vraisemblablement, ce sont elles qui risquent de changer la donne.
Alors quelles sont ces formations qui font de l’ombre aux grands partis, et comment sont-elles parvenus à séduire autant d’Espagnols ?
La première, c’est Podemos, le parti anti-austérité, avec à sa tête Pablo Iglesias, l’homme à la queue de cheval qui rêve de faire de son parti une sorte de Syriza, et de devenir le Tsipras espagnol. Après une phase d’essoufflement qui la conduit à mettre un peu d’eau dans son vin, et une sourdine à ses critiques de l’Europe et de l’euro, il semble être revenu en phase et risque de coûter cher au Parti socialiste. La seconde révélation, c’est Ciudadanos, le parti du centre de l’avocat Albert Rivera, qui du haut de ses 36 ans, prône un libéralisme de choc, mais dans la modération et le dialogue. Et puisqu’il est crédité de 20% des suffrages, il risque de priver la droite d’une majorité absolue. Mais ce qui caractérise au fond le mieux ces deux formations, c’est qu’elles sont non seulement parvenues à canaliser la colère des Espagnols, mais aussi à apparaître comme capables de gouverner malgré leur inexpérience. On l’a déjà vu à Madrid et à Barcelone pour les municipales gagnées par Podemos. Et ça, c’est quand même un tour de force.
Et si leur percée se confirmait dimanche, est-ce que ça donnera lieu à de grandes manœuvres pour former une coalition de pouvoir ?
Tout dépend de l’avance qu’aura le premier parti, en l’occurrence le parti conservateur, mais ça risque de tanguer. Il y a plusieurs scénarios possibles, qui peuvent déboucher sur une alliance entre la droite et les centristes de Ciudadanos, même s’il s’agit d’un soutien sans participation. On peut aussi imaginer un rapprochement de toute la gauche avec les centristes, pour chasser les sortants, un peu comme au Portugal. Et il y a enfin l’hypothèse d’une alliance des deux dinosaures, le PS et la droite. Mais la violence du débat télévisé de cette semaine, entre le Premier ministre et le chef du parti socialiste, montre que ce n’est sans doute pas la plus probable.
Et enfin, quelles sont les conséquences possibles de cette élection sur la question de l’indépendance de la Catalogne ?
Il y aura certainement plus de dialogue si la gauche l’emporte, notamment avec Podemos qui est favorable à un referendum d’autodétermination. Et plus de tension, si c’est la droite, même avec les centristes de Ciudadanos, un mouvement qui s’est d’abord érigé contre l’indépendance catalane. Mais quoi qu’il arrive dimanche, cette affaire de Catalogne va rester longtemps un caillou dans la chaussure des politiques espagnols.