Lors de la prise de parole d'Emmanuel Macron lundi soir, sa quatrième allocution depuis le début de l'épidémie de coronavirus, le Président de la République a adopté un nouveau ton. Moins autoritaire, le chef de l'Etat a tenté de capitaliser sur l'unité du pays selon Nicolas Beytout.
Nous allons continuer à nous parler à distance jusqu’au 11 mai, date probable de la fin du confinement. Mais vous avez été frappé par autre chose, dans le discours d’Emmanuel Macron. Selon vous, un vrai changement.
Il y a deux choses difficiles pour un homme ou une femme politique, et a fortiori pour un Président de la République : dire qu’il ne sait pas, et admettre qu’il s’est trompé. Edouard Philippe avait déjà coché la première case, lors de ses différentes interventions télévisées depuis l’épidémie. A son tour, Emmanuel Macron a coché l’autre case : il a admis qu’au sortir de la crise du coronavirus, il faudrait que nous "sachions nous réinventer". Et il a précisé : lui le premier.
Sauf que, se "réinventer", ça ne veut pas dire : "je me suis trompé".
Pas de façon aussi abrupte, vous avez raison. Mais Emmanuel Macron a aussi reconnu que le pays n’avait pas été assez préparé, qu’il y avait eu des failles, des ratés, des lenteurs (et dans la lutte contre le virus, ça a coûté très cher). Et c’est la somme de tous ces manquements, ces dérèglements, qui ont provoqué ce que le chef de l’Etat a appelé "un ébranlement intime et collectif ". Tout le monde avait noté, lors de ses premières interventions solennelles depuis le début de l’épidémie, que le Président affectionnait le ton martial, parlait de guerre.
Une sorte de personnage churchillien.
Exactement. Et bien, lundi soir, on était vraiment aux antipodes. Les Français avaient devant eux un Président à la fois très différent de ce chef de guerre des premières semaines de confinement, et très différent aussi de ce personnage qui l'habitait depuis le début de son mandat, depuis trois ans.
Vous savez, l’autorité, la verticalité, Jupiter, et toutes ces images qui ont été abondamment reprises et commentées. Bon, hier soir, c’était un autre Macron, un peu comme si, pour parler du déconfinement, le chef de l’Etat s’était lui-même déconfiné politiquement.
Et ce déconfinement politique, c’est aussi un tournant politique ?
Je ne pense pas, non, en tout cas pas pour l’instant. J’ai bien sûr noté (vous en avez parlé plusieurs fois) ce message appuyé à destination de ceux qui font tenir le pays, et qui exercent des métiers qui n’ont pas été assez valorisés. J’ai noté aussi qu’il y aurait de nouvelles aides pour les plus précaires.
Mais je crois que le chef de l’Etat a autre chose en tête. Qu’il veut saisir ce qu’il a appelé cet "ébranlement" pour chercher autre chose. Pas tellement pour sacrifier à la mode du "ne recommençons pas comme avant", cette tarte à la crème de tous ceux qui avaient vu venir la crise, l’avaient même prévue (ben voyons).
Non, ce qu’Emmanuel Macron semble vouloir faire, c’est tenter de capitaliser sur cette unité du pays, qui a tenue, malgré la violence de la crise sanitaire, malgré la dureté des mesures de confinement. Capitaliser sur cette unité pour refonder une manière ouverte de gouverner et chercher des solutions qui ne sont pas dans le prêt-à-penser idéologique. Une façon, aussi, de relancer ce positionnement ailleurs qui lui avait si bien réussi il y a trois ans.