Pendant cette période de crise du coronavirus, les Etats-Unis et les Chine se mènent une guerre souterraine.
Dans les guerres mondiales, les diplomates ne sont jamais très loin. Ils négocient avec les alliés, tentent même parfois des contacts avec les ennemis. Et toujours avec une idée en tête : ils ne sont pas ceux qui peuvent gagner la guerre, mais ils sont ceux qui peuvent remporter l’après. Et ce qui est vrai des guerres classiques, l’est aussi dans ce grand combat mondial contre le coronavirus. La diplomatie est pleinement mobilisée, à la fois pour coordonner la lutte contre la pandémie, et pour établir des positions pour l’avenir.
C’est par exemple ce qu’on a appelé « la diplomatie du masque » ?
Absolument, autrement dit, cette grande offensive chinoise, cette vaste distribution de masques dans le monde entier, y compris en Europe et en France, pour lutter contre le coronavirus. La Chine en a fait un puissant argument politique, à la fois une gigantesque opération de promotion de son régime (regardez comme je suis efficace ; je peux fournir des centaines de millions de masques), et puis une non moins impressionnante opération d’influence dans certaines zones, je pense par exemple à l’Afrique (à qui ils disent : regardez comme je suis indispensable à votre économie)…
Et en face, les Etats-Unis réagissent…
Oui, depuis quelques temps déjà. Mais cette fois, l’offensive semble se durcir. Donald Trump a par exemple accusé l’OMS d’être sous domination chinoise, et d’avoir ainsi longtemps dissimulé la vérité sur cette pandémie. Les semaines de retard à admettre l’existence d’un Covid-19 ont coûté des dizaines de milliers de morts dans le reste du monde qui n’a pas pu se préparer. Et c’est pour ça que Mike Pompeo, le secrétaire d’Etat américain, s’est entretenu hier avec quelques journalistes européens. Objectif : pointer la responsabilité de la Chine. Et la mettre en défaut là où elle est la plus faible : la transparence…
Et donc, il demande à Pékin de livrer des infos sur la crise chez eux ?
C’est ça. Il explique qu’un dirigeant « qui organise la désinformation met en jeu la vie de ses concitoyens, bien sûr, mais aussi celle de gans dans le monde entier ». Il exige donc « une transparence totale de l’information », que les journalistes puissent être libres. Il demande même que des équipes internationales puissent venir enquêter sur place, en Chine. Ce qui est certain, en tout cas, c’est que Mike Pompeo ne croit pas un mot de ce que dit Pékin sur le virus.
Vous disiez que les diplomates, pendant les guerres, préparent l’après. Et là ?
A plusieurs reprises, le ministre des Affaires étrangères de Trump a opposé le monde libre, transparent, à celui du secret, de la désinformation. Démocraties d’un côté, contre dictatures de l’autre. Europe, Etats-Unis d’un côté, contre Chine, Iran, Venezuela ou Corée du Nord de l’autre. C’est une façon d’établir un front, ou en tout cas une ligne de rupture, une manière de remettre la Chine à sa place et de contrer son offensive à elle. Et ça, c’est pour l’après, quand il faudra savoir sur qui compter pour relancer l’économie et reconstruire tout ce que ce virus aura contribué à détruire.