Le Conseil constitutionnel a censuré plusieurs articles de la loi "sécurité globale" jeudi, dont l'ex-article 24 qui avait fait l'objet de vives contestations politiques et citoyennes. Directeur du journal "L'Opinion", Nicolas Beytout explique vendredi sur Europe 1 pourquoi la décision du Conseil représente une triple défaite pour le gouvernement.
Le Conseil Constitutionnel a décidé de censurer une partie de la loi dite "de sécurité globale", et c’est une défaite pour le gouvernement...
"Oui, une triple défaite, même. D’abord parce que cette censure porte sur sept des 22 articles de ce projet de loi, autrement dit sur une grande partie du dispositif qui était censé être une réponse du gouvernement aux problèmes de sécurité et qui devait en particulier donner des moyens nouveaux aux forces de l’ordre pour lutter contre les violences dans les manifestations. Sept sur 22, c’est une proportion peu courante et c’est une sanction pour le gouvernement dont le travail législatif récolte un zéro et se retrouve en partie mis à la poubelle.
Le plus emblématique de ces articles censurés, c’est celui qu’on a appelé l’article 24...
Oui, il est devenu dans une rédaction ultime de la loi l’article 52. Il devait permettre de punir l’auteur de photos ou de vidéos de policiers en action, images qui auraient été diffusées dans le but de leur nuire. Mais la notion est trop vague et représente un risque pour les libertés publiques et pour la presse, a décidé le Conseil Constitutionnel. C’est Jean Castex lui-même qui avait saisi le Conseil ; il espérait ainsi couper court à toutes les protestations et aux nombreuses manifestations contre cet article 24.
C’est raté et c’est un échec pour le Premier ministre. C’est aussi un lourd échec politique pour Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, qui s’était entièrement investi dans la promotion de cet article si décrié. Une deuxième défaite donc.
Et la troisième, quelle est-elle ?
C’est le message général envoyé par les Sages du Conseil Constitutionnel. Que disent-ils ? Que le maintien de l’ordre et la répression des violences dans les manifs ne justifient pas tout et que le besoin sécuritaire ne doit pas exonérer le gouvernement de respecter les libertés publiques (les drones ne seront par exemple pas autorisés pour surveiller les manifestations). Au lendemain de la mobilisation des policiers et alors que beaucoup de propositions de durcir l’arsenal répressif fleurissent ici et là, y compris dans les rangs de la gauche, c’est un coup d’arrêt aux lois de circonstance, celles qui sont bâclées dans l’urgence pour répondre à une émotion ou un problème d’actualité.
C’est un coup d’arrêt aux tâtonnements du ministère de l’Intérieur qui, comme toutes les administrations, a dans ses tiroirs des projets mal ficelés qu’il tente de ressortir à la moindre occasion. C’est un coup d’arrêt à cette dérive contemporaine pour le toujours plus de loi, le toujours plus de règles. Et tout ça, les juges suprêmes le disent à ceux qui gouvernent aujourd’hui et à ceux qui veulent gouverner demain.
Ils disent : aller au-delà de l’arsenal pénal et répressif qui existe déjà, c’est mettre en danger les libertés. Reste à faire appliquer les lois, vraiment, par les juges, et à faire exécuter les peines. Et il n'y a pas forcément besoin de quantités de nouvelles lois pour ça."