Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce mardi, la notion du "travailler plus" annoncée par Emmanuel Macron pour soutenir la relance économique a été mal comprise, y compris par ses propres ministres.
Au lendemain de l’intervention télévisée d’Emmanuel Macron, ses ministres ont essayé de préciser le contenu de ses annonces.
Ils ont bien "essayé" de préciser, parce qu’en vérité, c’est parti un peu dans tous les sens. Sur l’idée qu’il faudrait travailler et produire davantage, sur le taux de prise en charge future par l’État du chômage partiel, à l’évidence, les éléments de langage n’étaient pas calés. Probablement la conséquence du choix fait par Emmanuel Macron de parler alors que tout, dans son dispositif, n’était pas verrouillé et que le calendrier ne s’y prêtait pas vraiment.
C’est-à-dire ? Il n’aurait pas dû s’exprimer à ce moment-là ?
Il était pris en tenaille, il fallait qu’il s’exprime pour marquer la fin du confinement et parce que le sujet de l’ordre républicain avait envahi le débat public. Mais il était dans l’impossibilité de dévoiler sa stratégie pour "le jour d’après" tant que le second tour des municipales n’aurait pas eu lieu. Ce sera une défaite pour la majorité, mais son ampleur changera la tonalité du message que le pouvoir pourra faire entendre. Il devait donc parler mais ne pouvait pas dire grand-chose de précis. Et dans ces cas-là, on se cantonne aux grands principes.
Ce qui laisse donc de la place aux interprétations.
Exactement. Sur l’idée de travailler davantage, par exemple : il y a eu autant de compréhensions et de pistes que de ministres qui en ont parlé (Nicolas Beytout en a compté quatre). Ce phénomène a été d’autant plus frappant que le chef de l’État a vraiment été très allusif. Comme s’il avait eu peur de relancer des débats vieux de plusieurs décennies, celui sur le temps de travail, des 35 heures ou de l’âge de la retraite. Sur ce dernier point, justement, pas un mot sur le retour de la réforme et de l’âge pivot, alors qu’il l’avait clairement évoquée devant ses visiteurs quelques jours auparavant. Est-ce que c’était pour ne pas froisser les syndicats et tous ceux qui avaient cru que suspendre une réforme, ça voulait dire l’enterrer. À leur décharge, c’est un vieux truc politique. Quand on a un problème, on suspend ou, autre variante, on crée une commission. Est-ce pour faire atterrir l’opinion publique progressivement ? Il est vrai que pendant les mois de confinement, les Français n’ont entendu que des discours moralisateurs sur le monde d’après où rien ne serait plus comme avant. Pas de chance, dans la vraie vie, la fiction doit toujours s’effacer devant la réalité.
D’où le "travailler et produire davantage". Est-ce la fin des 35 heures ?
Pas complètement, non. Parce que tous les spécialistes du social affirment que tous les dispositifs de contournement et d’allègement de cette contrainte existent déjà. Inutile, donc de déboulonner cette statue. Il suffira de rappeler l’histoire du social, d’expliquer à quel point cette réforme a isolé et abîmé l’économie française. La laisser dans les livres d’histoire économique, bien sûr, mais en se donnant les moyens, une fois pour toutes, de tourner le dos à cette idée fausse que pour développer l’économie et l’emploi, il suffit de travailler moins.