Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce jeudi, il revient sur l'appel de l'État à des cabinets de conseils privés pour améliorer sa stratégie de vaccination et aux entreprises pour la logistique. Le secteur privé avait déjà été en première ligne au moment de trouver des masques lors du premier confinement.
Ce mercredi, l’Agence européenne des Médicaments a homologué le vaccin Moderna.
Ce qui va enfin permettre d’augmenter le nombre de doses de vaccins livrées. Tant mieux, sauf que le vrai problème, pour l’instant, ce n’est pas le nombre de doses, mais leur acheminement dans les centres de vaccination. Avoir des centaines de milliers de doses, c’est bien, vacciner, c’est mieux.
Ce qui pose le problème de la logistique.
L’une des principales raisons du fiasco du début de la campagne de vaccination, c’est vrai. Heureusement, le gouvernement s’est adjoint les avis d’experts en organisation, en l’occurrence des cabinets-conseils dont c’est la spécialité.
Ce recours au privé et à des entreprises anglo-saxonnes a été très critiqué.
Des critiques de parlementaires de droite et de gauche qui montrent à quel point on trouve des gens totalement déconnectés de la réalité dans cet univers politique. Parce que, piloter ces immenses organisations, ces toiles d’araignée qui doivent couvrir tout le territoire et livrer partout de façon sûre et rapide, installer des lieux de stockage, les équiper, les approvisionner, y faire venir des personnels de santé puis des patients, ça exige un savoir-faire d’une grande complexité. Les McKinsey, PWC et autres grands cabinets-conseils ont cette compétence. Et l’Etat ne sait pas faire.
Ce n’est pas une défaillance de sa part ? C’est ce que reprochent plusieurs politiques.
Mais non, ça ne devrait pas être son rôle. L’État doit fixer les règles, par exemple sur les stocks stratégiques, sur l’ordre de passage des gens à vacciner (les Ehpad, puis les plus de 75 ans etc…). Ça s’est son rôle et sa responsabilité politique. Et là-dessus, il peut être critiqué. Mais si le plan de vaccination a échoué c’est parce que l’État, avec ses bataillons de fonctionnaires, a cru savoir bien faire et a voulu tout faire, mettre son tampon partout. Ceux qui critiquent ce recours au privé ont la mémoire courte. Lors de la première vague, ce sont les entreprises privées qui ont les premières trouvé et livré des masques. D’abord parce qu’elles avaient des stocks (que l’État a commencé par réquisitionner). Ensuite, parce qu’elles savaient où et comment acheter et se faire livrer rapidement, parfois en organisant elles-mêmes des ponts aériens avec la Chine. Elles l’ont fait, donnant implicitement une bonne leçon d’efficacité à l’État. Et elles auront sûrement un rôle à jouer dans la phase d’administration du vaccin.
Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, a estimé que "les entreprises peuvent aider à la vaccination".
Exactement, y compris avec des campagnes au sein de l’entreprise. De son côté, Elisabeth Borne, la ministre du Travail, a indiqué que "les entreprises seront mises à contribution". C’est bizarre, ce vocabulaire (mettre à contribution), ce sous-entendu contraignant, alors que les entreprises sont demandeuses. Ça dit tout, ce vocabulaire, de la difficulté pour l’État de ne voir sa relation avec les entreprises que sous le signe de la contrainte ou du rapport de force. Dans une guerre comme celle que l’on mène, c’est vraiment dommage.