Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce vendredi, il revient sur la décision du Petit Robert d’inclure dans son dictionnaire en ligne une grande nouveauté, un mot totalement fabriqué, le pronom "iel", issu de la contraction entre il et elle. Ce nouveau pronom a provoqué une opposition au sein de la majorité entre Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Education nationale à Elisabeth Moreno, la ministre déléguée chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes.
C’est un petit couac auquel on ne s’attendait pas forcément au sein du gouvernement : il a opposé cette semaine Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Education nationale à Elisabeth Moreno, la ministre déléguée chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes.
Le sujet du désaccord, c’est le moins qu’on puisse dire, n’est pas neutre : c’est la défense de la langue française. Il y a quelques jours, on apprenait que Le Petit Robert avait décidé d’inclure dans son dictionnaire en ligne une grande nouveauté, un mot totalement fabriqué, le pronom « iel », issu de la contraction entre il et elle. Un pronom qui serait donc utilisé pour parler de quelqu’un, homme ou femme, qui ne se sent ni l’un, ni l’autre, ou les deux. Ni il, ni elle, iel. Introduire un tel mot dans un dictionnaire de référence, c’est franchir un pas important dans la progression de ce qu’on appelle l’écriture inclusive, cette sorte de torture de l’orthographe inventée pour mettre à égalité le masculin et le féminin dans la langue française. Une louable intention, sur le principe, mais un enfer militant dans la réalité. En particulier lorsqu’il faut, au nom de l’écriture inclusive, exprimer à la fois le masculin et le féminin pour parler d’un groupe, ou d’un métier, ou d’une activité. Pour désigner des ingénieurs, on écrira par exemple « les ingénieur.e.s ». Naturellement, Jean-Michel Blanquer a immédiatement dénoncé cette initiative du dictionnaire.
Il a protesté en répétant que "l’écriture inclusive n’est pas l’avenir de la langue française".
Et c’est vrai que, pour le ministre de l’Education qui se bat pour essayer de remonter le niveau des élèves en lecture et en orthographe, cette irruption du « iel » dans la langue française serait totalement contre-productive.
Sauf que ça ne choquerait pas Elisabeth Moreno, qui a donc publiquement pris le contrepied de Jean-Michel Blanquer.
Un joli couac, et qui n’est pas le premier accroc entre les deux ministres puisqu’ils s’étaient déjà opposés sur la façon de s’habiller pour aller à l’école. Le ministre de l’Education souhaitait que les élèves adoptent « une tenue républicaine » (un terme assez vague), alors que sa collègue du gouvernement soutenait qu’en France, chacun est libre de s’habiller comme il veut (ce qui est évidemment faux, ne serait-ce que pour des questions religieuses). Le plus étonnant, dans cette controverse, c’est qu’Elisabeth Moreno est aussi ministre de l’Egalité des chances (c’est dans l’intitulé de son ministère). Or il n’y aurait rien de plus inégalitaire que la pratique de l’orthographe inclusive, dans des familles qui se sentent déjà en difficulté avec le français. Alors, tout ça ne serait pas très grave si ça n’était le signe avant-coureur d’une progression de ce qu’on appelle le wokisme, ce courant politique qui veut réécrire l’histoire et la culture occidentale pour effacer tout ce qui est vécu comme une oppression (et donc pour supprimer, dans la grammaire, la domination du masculin sur le féminin). Admettre le « iel » dans les livres de français, ce serait une petite victoire des tenants de l’introduction d’une culture woke à l’école. Depuis 2017, le ministère avait pourtant sorti des circulaires pour décourager, puis pour interdire purement et simplement l’usage de l’écriture inclusive dans l’enseignement. Mais la pression des lobbies, le plus souvent d’extrême-gauche, ne faiblit pas. Et manifestement, le Petit Robert y a cédé.
Dans une autre circulaire, Jean-Michel Blanquer a récemment reconnu qu’il fallait réserver un meilleur accueil aux élèves transgenres.
Un texte qui a fait beaucoup de bruit il y a un mois. Mais on peut reconnaître la souffrance de quelques rares enfants qui se sentent mal dans leur corps sans pour autant admettre qu’au nom d’une idéologie, on déstructure totalement la langue française pour tous.