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Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce jeudi, il s'intéresse au syndicat professionnel des instituts de sondage, le Syntec, qui a décidé de répondre aux attaques dont il est la cible.

Le journal L’Opinion révèle que le syndicat professionnel des instituts de sondage, le Syntec, a décidé de répondre aux attaques dont ils sont la cible.

C’est vrai que les sondeurs ont en général, auprès des hommes et des femmes politiques, une belle tête de coupable. Les critiques ont été rudes, ces temps-ci. Jean-Luc Mélenchon dénonce le biais statistique qui fait que les sondeurs n’interrogeraient pas les abstentionnistes, une catégorie d’électeurs qui sont (dit-il) très favorables à La France Insoumise. Nicolas Dupond-Aignan affirme que les sondages sont faux et qu’ils orientent « subliminalement et psychologiquement » le vote des gens. Quant à Anne Hidalgo, à la peine avec 4 à 6% d’intentions de vote, la maire socialiste de Paris rappelle que lors de son élection, les sondeurs l’avaient donnée battue avec 10 points de retard sur son adversaire de l’époque, Nathalie Kosciusko-Morizet (ce qui est totalement faux). Bref, haro sur les sondages…

Il y a tout de même un fait, incontestable celui-là : les sondages se trompent souvent.

C’est vrai. On a tous en mémoire l’erreur de pronostic sur la poussée du vote Le Pen aux dernières élections régionales. Selon la plupart des sondages, le Rassemblement national devait emporter une et peut-être même deux régions. Il n’en a décroché aucune. Mais les bugs les plus spectaculaires, on les a eus à l’occasion de campagnes électorales pour la présidentielle. Je pense aux sondages qui donnaient Alain Juppé quasiment déjà élu, huit mois avant le scrutin. Ou, plus fracassant encore, l’élimination de Lionel Jospin et de la gauche à la présidentielle de 2002.

Et que répondent les instituts de sondage ?

Que les études d’opinion mesurent les intentions de vote de la population à un instant T, et pas pour dans six mois. En gros, la question posée, c’est : « si l’élection avait lieu dimanche, pour qui voteriez-vous ? ». Ce n’est donc pas une prédiction, mais une mesure. Ils répondent aussi, par exemple à la critique de Jean-Luc Mélenchon sur les abstentionnistes, que les avis tous ceux qui expriment ne serait-ce qu’un simple souhait d’aller voter sont pris en compte. Bref, les instituts de sondage se défendent sur le plan technique.

Et est-ce que ça suffira à faire taire les critiques ?

Oui et non. Parce que le plus savoureux, dans cette dénonciation des sondages, c’est qu’elle est à géométrie variable. Lorsque les chiffres sont bons, les hommes et les femmes politiques s’en servent sans difficulté : Xavier Bertrand par exemple tire des sondages l’argument selon lequel il est le mieux placé pour battre Emmanuel Macron au second tour (il s’appuie sur les études d’opinion pour déclencher un vote utile). Eric Zemmour mène sa cavalcade médiatique en espérant décrocher Marine Le Pen dans les sondages pour l’amener à se retirer de la course à l’Elysée. J’ajoute que tous, candidats et non-candidats, partis politiques et médias, tous commandent des sondages. Et de plus en plus. La Commission des sondages, qui surveille le secteur, rappelle qu’il y avait eu 150 sondages pour la présidentielle de 1995, puis environ 200 en 2002, 300 cinq ans plus tard, 400 en 2012 et 560 à la dernière élection. Aucune chance que ça s’arrête.

Il n’y aura pas de projet d’interdiction ?

Non, et d’ailleurs, Internet et les réseaux sociaux permettraient immédiatement de sortir des études, sans qu’on n’ait la moindre garantie sur les méthodes d’enquête. Non, le mieux, c’est d’admettre que les sondages participent effectivement à la formation de l’opinion publique, mais qu’ils ne sont qu’un reflet ou un accélérateur des tendances. Et du côté du petit monde politique, le mieux, c’est de se souvenir de cette phrase que Jacques Chirac tenait de sa grand-mère : « Il faut mépriser les hauts et repriser les bas ».