Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce mercredi, il s'intéresse aux relations entre Emmanuel Macron et les maires de France.
Emmanuel Macron recevra en fin d’après-midi un millier de maires dans les salons de l’Elysée. Et le lendemain, il ira prononcer un discours en clôture du Congrès annuel des Maires.
Opération commando : le chef de l’Etat et La République en Marche ne jurent plus que par les maires, ces temps-ci. On leur offre des petits fours, on les fait cajoler par les ministres, on envoie même en province, à plusieurs reprises, le Premier ministre qui dit apprécier par-dessus tout de se retrouver sur le terrain (et donc, si on comprend bien, de sortir de Matignon). Tout cela est transparent : nous sommes à quelques petits mois de l’élection présidentielle, à un moment où il faut se montrer proche de la vraie France, et accessoirement à un moment où les maires et les conseillers municipaux vont être sollicités pour donner leur parrainage aux futurs candidats. Eh oui, cette danse de la séduction devant les élus locaux est pleine d’arrière-pensées.
Il faut dire que la relation d’Emmanuel Macron avec les maires n’a pas été de tout repos, pendant le quinquennat.
Le mieux, pour s’en rendre compte, c’est de prendre comme thermomètre ce Congrès des Maires de France qui se déroule en ce moment à Paris. La première fois que le Président de la République s’y est rendu, 6 mois après son élection, en 2017, il a été sifflé. L’année suivante, il a refusé d’y retourner, préférant faire venir à lui une imposante délégation d’élus en goguette à l’Elysée. A cette époque, les relations étaient non pas glaciales, mais globalement inexistantes. Les maires avaient peu apprécié de voir leurs communes privées d’une ressource essentielle, la taxe d’habitation dont la suppression avait été un point fort de la campagne électorale de l’ancien ministre de l’Economie. Et l’ensemble du système politique faisait la douloureuse expérience de ce qu’on a appelé la verticalité du pouvoir (autrement dit, un homme décide tout). Ce n’est qu’après la crise des Gilets jaunes que le pouvoir macronien dans son ensemble a compris tout le pouvoir des maires, et leur importance dans la perception des courants faibles et forts qui traversent le pays. Alors, Emmanuel Macron a renoué avec le Congrès des Maires de France.
Et sa relation avec les élus locaux s’est arrangée ?
Pas totalement, non, mais le chef de l’Etat a commencé à déployer les grands moyens pour y parvenir. Des visites sur le terrain, des lois de décentralisation, des réceptions, l’ambiance a fini par s’améliorer, même s’il subsiste des mécontentements (par exemple sur les effets collatéraux de la crise sanitaire). Et toute cette mauvaise humeur résiduelle, elle s’exprime via l’Association des Maires de France, une puissante caisse de résonnance des maires, un interlocuteur assez indocile face au pouvoir. Jusqu’à aujourd’hui c’est François Baroin, le maire de Troyes, qui la présidait. Il cède sa place, et sa succession est un combat entre David Lisnard, le maire Les Républicains de Cannes, qui est l’héritier désigné de François Baroin, et Philippe Laurent, le maire de Sceaux, qui conteste cette cooptation…
En fait, cet affrontement est assez inédit.
Absolument, l’Association est en général œcuménique, gauche et droite confondues, son Président et le bureau de l’Association sont désignés sans combattre. Mais voilà, l’Association des Maires est perçue par le pouvoir comme un râleur institutionnel, un opposant de fond comme on dit qu’il existe des coureurs de fond. Elle nuit à l’établissement d’une relation apaisée avec les vrais gens dont rêve la macronie. Le candidat Lisnard est un élu sans concession pour Emmanuel Macron. Son adversaire, l’UDI Philippe Laurent est par contraste perçu comme bien davantage Macron compatible. Il se défend d’être à la main de l’Elysée, mais des proches du Président faisaient encore la retape, hier, dans les couloirs du Congrès. Ce combat inédit est devenu le symbole des relations complexes du chef de l’Etat avec les maires. Le résultat de l’élection, ce soir, dira s’il a enfin réussi son opération séduction.