Après l'affaire du sang contaminé ou de la vache folle, c'est la gestion d'une autre crise sanitaire qui fera l'objet d'une enquête préliminaire. Saisie de nombreuses plaintes depuis plusieurs semaines, le Parquet de Paris a décidé de se pencher sur le sujet. Mais cela risque de durer un certain temps.
Le Parquet de Paris a donc ouvert une enquête préliminaire sur la gestion de la crise sanitaire.
Oui, et cela alors que le confinement n’est pas totalement levé, et que le virus, même faiblement, circule encore. Ce n’est pas la première fois que des plaintes au civil ou au pénal visent la gestion d’une crise sanitaire (chacun se souvient bien sûr du sang contaminé ou de la vache folle), mais c’est la première fois que la justice se met en mouvement pendant la crise. Comme en urgence. Et c’est la première fois aussi qu’il y a autant de plaintes, avec pour certaines un but transparent : faire nombre, pour faire pression.
Vous voulez dire qu’elles sont politisées en réalité ?
Une bonne partie, oui, certainement. Bien sûr, certaines démarches sont le fait de malades ou de proches de personnes infectées qui ont authentiquement envie de demander des comptes au système, qui ont envie que soient révélées les failles, ne serait-ce que pour servir de leçon, à l’avenir, pour d’autres tragédies de la même espèce.
Mais le format d’une grande partie des autres plaintes sur lesquelles va enquêter le Parquet de Paris dit tout de l’intention réelle de leurs auteurs : elles sont prémâchées, sur un site internet, à l’américaine. Il suffit de signer, un peu comme une pétition. C’est confondre la justice avec un distributeur automatique.
Vous nous aviez déjà alertés sur le sujet, il y a deux mois. A l’époque, il y avait déjà une vingtaine de plaintes.
Ces plaintes-là étaient déposées, non pas au pénal, mais contre des ministres et le chef de l’Etat. Contre les décisionnaires politiques, donc, devant la Cour de justice de la République, qui est la seule compétente pour juger des élus et des membres de l’exécutif dans l’exercice de leur mandat. En deux mois, le nombre de ces plaintes a triplé. La plupart s’inspirent de l’exemple du sang contaminé.
Sauf que le contexte, cette fois, sera très différent. A l’époque, il était reproché aux politiques d’avoir sciemment laisser circuler du sang contaminé, utilisé dans les transfusions. Cette fois, difficile de voir où, par qui et quand il y a eu des fautes intentionnelles. Des décisions, avec risques de mort, qui auraient été prises en connaissance de cause. En tout cas, il y en a pour des années.
Avec de faibles chances d’aboutir, si je vous suis bien ?
A première vue, oui. La responsabilité d’un politique ou d’un haut-fonctionnaire ne peut être engagée que s’il y a faute qualifiée, pas seulement sur une négligence ou une imprudence. Et puis surtout, la faute éventuelle et sa gravité devront être évaluées en fonction des connaissances du moment des faits, pas au moment du jugement. Ca paraît logique, et assez protecteur.
Une dernière remarque, à propos de justice et de l’Etat de droit : Christophe Castaner a déclaré mardi à propos des manifestations en soutien à Floyd-Traoré, que, bien sûr, les rassemblements de plus de dix personnes restaient interdits en France (et que donc la manifestation était illégale), mais qu’il ne les sanctionnerait pas parce que, dit-il, "l’émotion dépasse les règles juridiques".
C’est consternant, aussi affligeant au regard du respect des règles de notre démocratie que le célèbre "vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaire", phrase de sinistre mémoire au moment de la gauche triomphante de Mitterrand. Une sorte de forfaiture, en vérité.