Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce jeudi, il s'intéresse aux raisons de la levée des restrictions sanitaires annoncées par Jean Castex.
Nicolas Beytout s’intéresse à l’annonce par Jean Castex de la fin du couvre-feu et du port du masque ne public.
Le pragmatoralisme est un concentré de pragmatisme et d’électoralisme. C’est un produit qui peut être très utile sur le plan politique, puisqu’il allie deux valeurs sûres de la vie publique : le bon sens et l’opportunisme. La décision prise ce mercredi en Conseil de Défense sur le couvre-feu et le port du masque est un exemple parfait de pragmatoralisme. Elle fait du bien au moral, avec ce retour enfin à une vie plus normale. Et elle a un petit goût piquant d’opération politique.
Est-ce que ce n’est pas un peu un procès d’intention ?
Beaucoup d’éléments factuels poussaient à ce que cette décision soit prise. Le nombre de patients hospitalisés est en forte baisse, la vaccination a passé le cap des 30 millions de doses injectées, le soleil donne, les soirées d’été sont douces, et dehors, les rassemblements en nombre (impossibles à contrôler) se multiplient. Bref, on lève des contraintes qu’il était devenu difficile de faire respecter, c’est pragmatique. Mais il y a deux jours seulement, Jérôme Salomon, le directeur général de la Santé, expliquait qu’il faudrait attendre la fin du mois pour arrêter de porter le masque, information que le ministre de la Santé, Olivier Véran, corrigeait immédiatement pour dire que rien n’était acté, que ce pourrait être bien plus tard. Eh bien non, ce sera bien plus tôt. Chaque fois qu’une décision forte a été prise en Conseil de Défense, elle a fuité quelques jours avant, histoire de la tester, de voir comment ça réagissait. Cette fois, rien : pragmatisme et opportunisme.
Sur le fond, est-ce que c’est choquant ?
Non, pas vraiment. Emmanuel Macron est en première ligne depuis le début de la crise sanitaire, c’est lui qui a pris directement sur lui les effets des confinements, de la privation de liberté imposée aux Français. C’est lui qui a pris le risque, en février, de forcer l’avis des médecins pour déconfiner plus rapidement. C’est lui qui peut maintenant récolter les dividendes politiques de cette bonne nouvelle que constitue la fin du couvre-feu et du port du masque en public. C’est de bonne guerre….
Mais tout ça survient à trois jours du premier tour des élections régionales, et il n’y a aucun doute que les candidats de La République en Marche, qui se réclament tous d’Emmanuel Macron, pourront en profiter. Et comme le Président est déjà accusé d’intervenir directement dans la campagne avec ses déplacements en province, aujourd’hui sur les terres de son adversaire politique Xavier Bertrand, il ne faudrait pas que le pragmatoralisme devienne de l’électoralisme tout court.