Chaque matin, Nicolas Beytout, le directeur du journal "L'Opinion", analyse l'actualité politique et nous livre son point de vue. Ce lundi, il revient sur la réforme de l'assurance-chômage alors que la ministre du Travail, Elisabeth Borne, va réunir les partenaires sociaux pour la dernière fois mardi. Nicolas Beytout se demande si relancer cette réforme dès à présent est un bon choix.
Alors que la plupart des réformes économiques et sociales ont été suspendues depuis le début de l’épidémie de Covid, celle sur l’assurance-chômage devrait entrer dès mardi dans sa dernière phase...
"Oui au moment où, Elisabeth Borne, la ministre du Travail, présentera aux partenaires sociaux le dispositif tel qu’il a été retenu par le gouvernement. Ce sera une phase importante dans le déroulement du quinquennat. Importante, mais aussi un peu irréelle…
Pourquoi ?
Parce que rien ne s’est passé et rien ne se passera comme prévu. A l’origine, en 2019 - c’était une autre époque, avant le Covid -, la réforme avait été ficelée, imposée aux syndicats comme au patronat qui, chacun pour leur compte, s’étaient montrés plus ou moins mécontents. Le jeu social classique. Or cette réforme, dans le déroulé du quinquennat Macron, devait être la suite logique de la réforme du droit du travail (avec les ordonnances de 2017-2018). Logique, parce qu'une fois un peu de flexibilité mise dans le droit social, il fallait inciter les chômeurs à activer leur retour vers l’emploi. Et chasser quelques abus du système français, par exemple le recours abusif aux CDD (aussi bien du côté de certains chefs d’entreprises que de salariés qui jouaient avec des règles d’indemnisation-chômage). Tout ça a évidemment été stoppé net par la crise Covid et l’explosion du chômage.
Cette réforme sera-t-elle relancée telle quelle ?
Non, c’est impossible. Je vous donne deux exemples : est-ce qu’on peut demander au secteur de la restauration qui est en quasi-mort économique de renoncer, lorsqu’il pourra rouvrir, à l’usage répétitif des CDD ? Est-ce qu’on peut dire à un jeune planté par la crise économique et incapable de trouver aujourd’hui un emploi qu’il lui faudra davantage de mois de cotisation pour espérer toucher une indemnisation-chômage ? Evidemment non.
Alors dans ces conditions, qu’est-ce qui va changer ?
La philosophie générale du texte. La plupart des dispositions qui fâchaient ont été adoucies, arrondies, ou abolies. D’où la question fondamentale : est-ce qu’il fallait absolument, dès maintenant, reprendre cette réforme quitte à lui enlever une partie de son sens ?
On a tout de même appris la semaine dernière que le déficit de l’assurance-chômage avait été de près de 18 milliards en 2020...
Ce qui crée une sorte d’urgence à retrouver le chemin de l’équilibre, je suis d’accord. Mais la réforme telle qu’elle sera présentée demain pourrait permettre d’économiser un à deux milliards par an. Ce n’est donc pas à la hauteur. Non, on voit bien que l’objectif prioritaire du gouvernement, c’est de cocher la case réforme. L’objectif premier est politique : faut-il reprendre les réformes, quitte à les faire a minima ? Faut-il préférer une réforme immédiate et sous contrainte à une bonne réforme plus tard ? C’est tout le sujet qui nous sépare de 2022."