Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce jeudi, il s'intéresse à la proposition de Stéphane Séjourné dans l'Opinion. Le président du groupe des députés macronistes au Parlement européen et conseiller politique en titre du chef de l’État propose de décompter les temps de parole des éditorialistes "les plus engagés".
C’est une interview qui a fait pas mal de bruit dans le petit monde des médias, un conseiller politique d’Emmanuel Macron propose dans L’Opinion que le décompte des temps de parole à la télévision soit modifié.
C’est Stéphane Séjourné qui parle. Il est président du groupe des députés macronistes au Parlement européen et conseiller politique en titre du chef de l’État. Autant dire que sa parole n’est pas anodine et qu’elle reflète une vraie inquiétude au sommet du pouvoir.
Qu’est-ce qui les inquiète exactement ?
La montée en puissance de la chaîne d’info CNews et le succès grandissant de ses programmes de débat. Leur préoccupation, c’est les cartons d’audience faits par des journalistes comme Pascal Praud ou Eric Zémour qui débattent, donnent leur avis et impriment à cette chaîne un ton univoque considéré comme populiste et totalement à droite. Leur reproche, c’est qu’à l’antenne, ces éditorialistes remplacent de plus en plus les politiques et que le pluralisme des expressions n’est donc plus assuré.
L’idée de Stéphane Séjourné, c’est donc de décompter le temps de parole des éditorialistes en fonction de leur couleur politique.
Une idée invraisemblable et d’ailleurs déjà rejetée par le CSA. Pour le conseiller politique d’Emmanuel Macron, il faudrait décompter les temps de parole des éditorialistes "les plus engagés". Si le propos d’un journaliste ou d’un expert est fade, neutre, sans aspérité, c’est ok. S’il est militant, alors son expression doit s’imputer sur le crédit d’heures de la formation politique dont il est proche. Premier problème, qui va décider qu’un journaliste est "plus" ou moins engagé ? Deuxième problème, à partir de quand l’interdire de parole ? Troisième problème, pourquoi s’émouvoir aujourd’hui alors qu’on sait tous que, au hasard, dans le service public, certaines antennes sont ouvertement militantes (mais de gauche, ce qui doit être plus supportable). Non, vraiment, cette police de la pensée, cette façon de trier les idées et de faire de la télé avec un sablier, c’est un truc hors d’âge.
Hors d’âge ? C’est-à-dire ?
Contrairement à ce qui se passait au siècle dernier, il y a aujourd’hui au moins quatre chaînes d’info en continu en France, plus des réseaux sociaux sur lesquels les opinions sont libres. Il n’ ne pas laisser chaque canal choisir le positionnement politique qui lui plaît et plaît à ses téléspectateurs ? A charge, pour le gouvernement, d’aller défendre ses idées face à ces polémistes, de prendre la parole plutôt que de la limiter pour d’autres.
Au siècle dernier, David Lloyd George, un Premier ministre britannique, disait drôlement : "Un politicien est un individu dont les opinions sont contraires aux vôtres ; s’il a les mêmes idées que vous, c’est un homme d’Etat". Cette maxime n’a pas vieilli.