Chaque matin, Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.
Y aura-t-il un référendum sur la privatisation d’Aéroports de Paris? Ce jeudi, le Conseil constitutionnel a ouvert cette possibilité voulue par les oppositions ?
Voulue en effet par une coalition hétéroclite et assez improbable, alliant une droite que l’on a connue plus libérale mais qui a oublié ses principes et ses campagnes pour les privatisations et une gauche qui a bien sûr toujours été vent debout. Cela ne veut pas dire qu’il y aura un référendum. Il faut maintenant que 4,7 millions de Français inscrits sur les listes électorales le demandent. Et encore, même dans cette hypothèse, le Parlement pourrait toujours voter la privatisation quand même. Mais politiquement, c’est à l’évidence un coup dur pour la majorité. Un coup dur qui pose une question de principe: la loi Pacte vient d’être votée, elle entérinait la privatisation d’ADP. En ouvrant la voie au référendum sur une loi qui vient tout juste d’être adoptée, le Conseil constitutionnel, en quelque sorte, mine la légitimité du Parlement, ce qui n’est pas une bonne nouvelle.
Sur le fond, ça veut dire que cette privatisation ne se fera jamais ?
Très franchement, c’est mal parti. Beaucoup de choses sont aberrantes dans cette affaire. D’abord, les Sages du Conseil constitutionnel, aussi Sages soient-ils, ont fait perdre 900 millions d’euros à l’État par leur décision. C’est la perte de valeur d’ADP en une journée à la Bourse de Paris. Pourquoi ? Parce qu’après une telle décision, c’est clair, aucun investisseur ne va se précipiter pour participer à la privatisation. La deuxième aberration vient des promoteurs du référendum eux-mêmes: ils font croire aux Français qu’ils seront consultés sur la privatisation d’ADP mais c’est une blague. La moitié du capital d’ADP est déjà privé, la société est cotée en Bourse. Il faut ajouter que la loi Pacte ne prévoit absolument pas une privatisation définitive mais une concession de 70 ans au terme de laquelle ADP revient à l’État. Une concession très contrôlée, dans laquelle l’État aura toujours, à tout moment, la main sur le contrôle et l‘utilisation des terrains. Mais évidemment, c’est le genre de subtilité que les partisans du référendum font semblant d’ignorer.
Cela dit, ADP peut continuer à fonctionner dans le cadre actuel, avec l’État comme actionnaire majoritaire.
Oui bien sûr, mais quel était l’intérêt de la privatisation ? De faire entrer des capitaux privés pour investir et développer ADP alors que l’État a peu d’argent et a surtout d’autres priorités. ADP est en concurrence avec d’autres grands aéroports. Il faut investir de lourdes sommes pour rester dans la course. Refuser de faire appel au privé pour ça est purement idéologique. Rien de ce qui est stratégique, comme le contrôle des frontières ou le contrôle aérien, n’est concerné ni de près ni de loin par le processus de privatisation. Le référendum est une réponse démagogique à une question qui méritait mieux que cela. Nicolas Barré suggère que les partisans du référendum posent une autre question : "préférez-vous que l’État consacre des milliards à développer ADP ou à investir dans les hôpitaux et les écoles ?". La réponse ne ferait pas de doute.
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Nicolas Barré a rencontré Mark Zuckerber (le patron de Facebook) en petit comité ce jeudi, juste avant sa rencontre avec Emmanuel Macron ce vendredi. Facebook est très critiqué ?
Oui ! Mark Zuckerberg a besoin de convaincre. Convaincre que Facebook fait beaucoup d’efforts pour lutter d’abord contre les manipulations, contre la propagation de discours de haine, de propagande, de terrorisme. Et c’est vrai qu’il dépense des sommes considérables, plus de trois milliards de dollars par an, pour lutter contre cela avec notamment des programmes d’intelligence artificielle qui repèrent les contenus haineux ou terroristes. Grâce à l’intelligence artificielle, par exemple, Facebook est capable de stopper en temps réel 99,6% des contenus à caractère terroriste. Facebook veut aussi convaincre qu’il fait des efforts pour la protection des données privées. Et puis surtout il est dans une démarche qui consiste à dire aux pouvoirs publics: c’est à vous de réguler Internet, nous faisons des choses de notre côté mais c’est à vous aussi de fixer des règles et nous nous y tiendrons. Mark Zuckerberg a changé. Nicolas Barré l’a trouvé plus humble, plus à l’écoute. Facebook est un énorme rouleau compresseur avec tout ce qu’ils contrôle, Instagram, Whatsapp notamment. Certains veulent le démanteler. C’est pour ça que Zuckerberg est plus attentif aux critiques. Et prêt à écouter ce que lui disent les dirigeants politiques comme Emmanuel Macron, avec qui, quand même, il a tendance à parler d’égal à égal.
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