Chaque matin, Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.
Pour la première fois depuis un an, tous les syndicats de fonctionnaires appellent à une grève aujourd’hui. Mais sont-ils encore capables de mobiliser ?
Pour les syndicats, c’est un peu quitte ou double. On a vu, avec la crise des gilets jaunes, qu’ils avaient du mal à mobiliser. Dans le privé, on assiste à d’autres formes de contestation qui contournent les syndicats. Que leur reste-t-il pour sauver la face? Le secteur public. Les syndicats en petite forme veulent montrer qu’ils peuvent encore mobiliser les fonctionnaires. Mais on voit bien que c’est un peu quitte ou double. Si cette journée de grève est peu suivie, ce que redoutent en privé beaucoup de syndicalistes, ça portera un coup supplémentaire aux syndicats. Voilà l’enjeu de cette journée.
Les fonctionnaires ont-ils de vraies raisons de faire grève ?
Le motif mis en avant, c’est le projet de réforme de la fonction publique, le projet de loi Dussopt, qui sera examiné à partir de lundi prochain à l’Assemblée. Que dit-il? Il prévoit par exemple de faire appel de manière généralisée à des contractuels pour les postes de direction: c’est un gros changement mais qui ne concerne qu’une minorité de fonctionnaires. La réforme supprime aussi l’intervention des syndicats dans les promotions et les carrières, comme à l’Éducation nationale par exemple. Est-ce suffisant pour mobiliser des gros bataillons de fonctionnaires ? Probablement pas. D’autant que le président de la République vient de renoncer à son objectif de suppression de 120.000 postes de fonctionnaires et à fermer des écoles et des hôpitaux: ça retire de sérieux motifs de grogne.
Après le 1er mai qui a peu mobilisé, le risque pour les syndicats, c’est donc qu’ils sortent encore plus affaiblis de cette journée de grève ?
Ils jouent gros. Même dans la fonction publique, ils ont un problème de crédibilité. À l’Éducation nationale, par exemple, ils sont critiqués par beaucoup d’enseignants pour leur conservatisme. On a affaire à des syndicalistes professionnels qui deviennent souvent des apparatchiks. Ils font carrière en grimpant dans la hiérarchie syndicale et en étant coupés du terrain. Beaucoup de fonctionnaires n’ont déjà pas tellement confiance dans les représentants syndicaux. Cette journée de grève a aussi un côté tactique cousu de fil blanc: pourquoi a-t-elle lieu aujourd’hui? Parce que la CGT a insisté car elle tient son congrès annuel ce week-end et que Philippe Martinez, le leader de la CGT, plutôt mal en point, cherche à redorer son blason. Vous le voyez, on est plus dans les petits calculs que dans le vrai combat social. Pour regagner en crédibilité, les syndicats devraient trouver autre chose que des appels généraux à la grève. Surtout si ça se termine par un échec. Verdict dans la journée.
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