Pour la première fois, des employés d’un entrepôt d'Amazon dans l’Alabama ont obtenu d’organiser un vote pour ou contre la création d’un syndicat. Le vote se terminait ce lundi soir, on attend les résultats dans quelques jours. Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.
Vu d’Europe, cela semble un combat d’un autre siècle. Depuis des mois, une bataille oppose des salariés d’Amazon à la direction pour créer un syndicat.
C’est une bataille symbolique, suivie par toute la presse et les chaînes de télévision. Il y a même dans ce bras de fer un parfum de lutte pour les droits civiques qui rappelle les années 1960. Pour situer la force du symbole, il faut savoir qu’Amazon emploie plus de 800.000 personnes aux Etats-Unis, c’est le deuxième employeur du pays après WalMart, mais pas un seul de ces salariés n’est syndiqué. Or en février, pour la première fois, des employés d’un entrepôt du géant de l’e-commerce dans l’Alabama ont obtenu d’organiser un vote pour ou contre la création d’un syndicat. C’est David contre Goliath.
Le vote se terminait ce lundi soir, on attend les résultats dans quelques jours.
Ce vote peut changer l’histoire car Amazon s’est toujours très fermement opposé à la création de syndicats aux Etats-Unis, pour des raisons de principe, plus que de coût du travail. Amazon paie plutôt mieux ses employés que la moyenne, il leur fournit une assurance santé correcte et il veut garder en contrepartie une grande flexibilité dans l’organisation du travail : c’est ça qui se joue dans ce bras de fer que tout le business américain regarde car tous les secteurs sont concernés. Jusqu’ici, Amazon a toujours gagné. À chaque tentative de création d’un syndicat, le groupe de Jeff Bezos a mobilisé des moyens considérables en faisant appel à des "union busters", des consultants anti-syndicats qui utilisent les techniques des campagnes politiques, la publicité, la vidéo, les réseaux sociaux etc. pour dissuader les salariés de se syndiquer, souvent avec succès.
Il faut dire que les salariés sont divisés sur l’utilité des syndicats.
L’Alabama, où se joue de bras de fer, fait partie de ces états du Sud que l’on appelle des "right-to-work states", où les salariés ne sont pas obligés de payer des cotisations pour un syndicat. Dans d’autres états, c’est le contraire et tous les salariés sont obligés de cotiser. C’est pour le maintien de ce système dual que se bat Amazon mais aussi beaucoup d’autres entreprises américaines. Pour que coexiste au sein de la première économie mondiale des zones très libérales et d’autres où les normes sociales sont plus strictes. Et au fond, pour que les deux univers se confrontent avec cette idée que si les normes sociales sont trop strictes, les entreprises s’en iront, mais que si les conditions sont trop dures pour les salariés, la main d’œuvre manquera. C’est aussi cette diversité de situations qui fait le dynamisme de l’économie américaine.