La première étape pour atteindre la souveraineté numérique en Europe c’est ce projet de cloud européen franco-allemand baptisé Gaia-X. Il a été lancé ce mercredi. Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.
Le sujet peut sembler technique, mais il est absolument stratégique. L’Europe a donné ce mercredi le coup d’envoi à son projet de cloud européen.
Quand l’Allemagne a pris la présidence de l’Union européenne en juin, Angela Merkel, qui a toujours été très sensible au sujet de la sur-puissance des Gafa, a fixé un objectif aux 27 : atteindre la souveraineté numérique. Pourquoi y est-elle si sensible ? Parce que l’Allemagne est une grande puissance industrielle. Et sa grande hantise, c’est que les données industrielles, qui sont encore plus importantes que les données personnelles, se retrouvent dans les mains des grands acteurs américains. Et que l’Europe devienne, littéralement, une colonie numérique américaine, une colonie dans laquelle les Gafa viendraient exploiter cette matière première du XXIe siècle que sont les données.
Mais leur domination est déjà une réalité, non ?
Oui mais il y a des choses à faire. La première étape pour atteindre cette fameuse souveraineté numérique, c’est justement ce projet de cloud européen franco-allemand baptisé Gaia-X qui a été lancé hier. Pourquoi est-ce important que les données industrielles soient stockées et traitées en Europe ? Parce ce sont ces données qui permettent de développer toute une gamme de nouveaux services par exemple dans la santé, la gestion des transports, la voiture autonome. Pour qu’une voiture autonome puisse circuler sans accident sur des routes françaises ou allemandes, il faut qu’elle traite des masses de données avec un temps de latence infinitésimal, il faut que ces données soient partagées entre les constructeurs, il faut ce que l’on appelle de "l’inter-opérabilité". Et puis enfin il faut de la confiance dans la gestion de ces données, sinon vous ne monterez jamais dans une voiture qui conduit toute seule.
Mais pour que l’Europe soit vraiment souveraine sur le plan numérique, il faudrait encore qu’il y ait des Gafas européens. Et ça, on ne le voit pas.
C’est vrai, il n’existe pas de Google, d’Amazon ou de Microsoft européen. Ces géants américains sont là, ils sont hyper-puissants, on ne peut plus se passer d’eux. Ils sont devenus des "gate keepers", comme on dit, c’est-à-dire des passages obligés pour accéder aux services numériques. Dont acte. Ce que l’on peut faire, cela dit, c’est mieux les réguler. Leur imposer des règles qui protègent les citoyens, les entreprises, les consommateurs européens. Et les sanctionner s’ils ne les respectent pas. L’Europe, sous l’impulsion de Thierry Breton, est en train de s’armer sur ce terrain. La souveraineté numérique avance, ce sera une longue croisade mais elle est essentielle.