Chaque matin, Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.
C’est la colère en Europe après la décision américaine sur l’Iran. Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a condamné la "férocité" de cette décision et veut tout faire pour que l’Europe échappe aux sanctions américaines. Est-ce réaliste ?
Absolument pas. Il ne suffit pas de dire: on va libeller nos contrats avec l’Iran en euros à la place du dollar et tout ira bien. Non! Un grand patron me racontait hier soir que pour éviter les sanctions, il faut être totalement paranoïaque. Bien sûr -c’est la base- aucun de vos salariés travaillant avec l’Iran ne doit être américain. Mais il faut s’interdire aussi tout contact avec les États-Unis: même un email échangé avec une filiale aux États-Unis peut vous faire prendre! Vous ne pouvez pas non plus utiliser un logiciel américain: vous imaginez ce que ça veut dire. L’argent que vous consacrez à un projet iranien ne doit jamais se mélanger aux autres comptes de l’entreprise. En fait, il faut créer une sorte de compartiment étanche à l’intérieur de l’entreprise. Et encore, on n’est jamais sûr de ne pas se faire rattraper par la patrouille.
Si le contournement des sanctions est très difficile, quelles sont les chances d’obtenir des exemptions de la part des autorités américaines ?
Quasi nulles dans l’aéronautique ou l’énergie car la Maison Blanche veut frapper prioritairement ces secteurs. Pour le reste, le Trésor américain, avec qui les Européens discutent en ce moment, reste volontairement flou. C’est sa stratégie: l’administration va prendre son temps pour définir des règles et dire ce qu’elle tolère ou pas. Du coup les entreprises étrangères vont dépenser des fortunes en frais d’avocat pour tenter de comprendre où sont les lignes rouges. Sans avoir forcément de réponse très claires. Résultat, très peu vont se risquer à continuer à faire des affaires avec l’Iran. Et de fait, la loi américaine va s’imposer partout.