Face à la pandémie, de nombreux pays freinent et parfois même empêchent la vente de leur production à leurs voisins. Les pays producteurs de puces électroniques, par exemple, ont tendance à privilégier leur marché intérieur et à réduire les ventes à l’étranger. Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.
C’est une des multiples conséquences inattendues de la crise du Covid, jamais autant de pays n’ont mis des barrières à la vente de leur production à l’étranger.
C’est du protectionnisme à l’envers ! Le protectionnisme, on connait : lorsqu’un pays met des barrières pour freiner l’entrée de produits étrangers sur son territoire, pour se protéger de la concurrence. Ce qui se développe à toute vitesse en ce moment, c’est le contraire. Des pays qui freinent et parfois même empêchent la vente de leur production à leurs voisins. Depuis le début de la pandémie, 80 pays ont mis en place de telles restrictions à l’exportation selon l’Organisation mondiale du commerce. Et c’est du jamais vu depuis la Second guerre mondiale.
On le voit avec les vaccins, c’est chacun pour soi.
On l’a vu avec les masques ou les respirateurs. Quand ils ont commencé à manquer, les pays producteurs les ont gardé pour eux. Et le réflexe un peu partout a été de se dire : vite, devenons auto-suffisants. Ce qui est plus simple à dire qu’à faire. On le voit en ce moment sur les puces électroniques. Alors que la demande explose et que l’on observe des pénuries, les gros pays producteurs ont tendance à privilégier leur marché intérieur et à réduire les ventes à l’étranger. Ce protectionnisme à l’envers est aussi une arme. Les Chinois ont commencé à restreindre leurs exportations de terres rares, des métaux cruciaux pour l’électronique, en direction des États-Unis. Lesquels ont bloqué les ventes de composants électroniques aux Chinois. Bref, au lieu de mettre des barrières à l’entrée, on en met à la sortie.
Et c’est efficace ?
C’est une illusion et c’est inquiétant car un seul pays maîtrise rarement, pour ne pas dire jamais, la production de tous les composants qui entrent dans la fabrication d’un produit. Les vaccins sont un bon exemple. Il faut 400 composants pour faire un vaccin. Lorsque l’Union européenne a menacé de bloquer les exportations de vaccins Astrazeneca vers le Royaume-Uni, Londres a agité la menace de bloquer la vente de lipides indispensables à la confection des vaccins de Pfizer, des lipides qui sortent d’une seule usine en Europe, située dans le sud du Royaume-Uni. Ce protectionnisme à l’envers est une tentation qui se développe à la faveur de la crise. De plus en plus de pays y ont recours. C’est populaire. Ça flatte la fibre nationaliste. Mais c’est au bout du compte un jeu perdant-perdant. Le contraire du libre-échange qui lui n’a pas bonne presse.