"Pour la première fois un tribunal tente de mettre fin à l'impunité", explique Saad Hariri, ancien Premier ministre du Liban, et fils de Rafiq Hariri, assassiné le 14 février 2005 à Beyrouth.
Ses principales déclarations :
Pendant deux jours, vous avez assisté au début du procès des cinq assassins de votre père. Qu'avez-vous ressenti ?
"J'ai ressenti que depuis 50 ans au Liban, les assassinats politiques font la politique. Finalement, pour la première fois, un tribunal tente de mettre fin à l'impunité et la fin de la politique d'assassinats. C’est la vraie défense de la démocratie et de la liberté du Liban. J'ai été très ému : j'ai vu comment ils ont assassiné un homme modéré, mon père. On voit finalement la Justice que le Liban attend toujours."
Est-on sûr de celui ou ceux qui ont commandité le crime de votre père ?
"Les cinq accusés sont des membres du Hezbollah, une organisation qui a une hiérarchie. Je crois que tout le monde sait qui a donné l'ordre : c'est Bachar El-Assad. Je crois que c'est sûr."
Le Hezbollah cache et protège ces hommes à Beyrouth. Pourra-t-on aller les chercher ?
"Un jour nous irons les chercher. Personne n'est trop fort : un jour, on a attrapé Milosevic, on l'a mis en prison. Les assassins de mon père seront un jour en prison. Ils vont payer."
Pourquoi est-il important que la Justice internationale fasse ce long procès ?
"Parce que, pendant cinquante ans, il y a eu de l'impunité au Liban. C'est la première fois que la communauté internationale fait un procès de justice au Liban, dans le monde arabe, et arrête les assassinats politiques au Liban."
La France a joué un rôle ?
"La France a joué un très grand rôle : les présidents Chirac, Sarkozy, Hollande, ils ont toujours été un homme sur le tribunal, sur la Justice, pour le Liban"
Allez-vous pardonner, oublier ?
"La Justice n'oublie pas, ne pardonne pas. Je veux la Justice ; pas pardonner, pas oublier. C'est une Justice pour mon père mais aussi pour 11 personnes qui ont aussi été assassinées politiquement."
Vous êtes prêt à discuter avec votre parti et à déléguer pour votre parti un gouvernement de transition. Vous pouvez imaginer siéger à côté des assassins de votre père ?
"Vous savez, pour moi, l'intérêt du Liban est plus important que moi-même. Le procès continue, le gouvernement du Liban est important pour ces 3 ou 4 mois, il y a des élections présidentielles. Nous pensons qu'il faut mettre le Liban avant nous-mêmes."
Manuel Valls a révélé le nombre de jeunes mineurs qui font le jihad en Syrie. Que faut-il faire ?
"Vous savez, le seul moyen d'arrêter la manipulation des jeunes qui vont combattre en Syrie, c'est arrêter le massacre de Bachar El-Assad contre les syriens. C'est lui qui a sorti Al Qaïda de ses prisons, les gens doivent le savoir ! Les chefs d'Al Qaïda étaient dans les prisons de Bachar El Assad ! Aujourd'hui, ces jeunes, selon moi, sont des victimes de l'extrémisme, comme les 150.000 morts de Bachar El-Assad. C'est comme une secte. On manipule les gens, les jeunes, comme pour le trafic de drogue, le crime. Il y a maintenant des sectes comme Al-Qaïda qui manipulent les gens pour aller combattre en Syrie."
Mohammad Chatah a été lui aussi victime de Bachar ?
"Oui, bien sûr. C'était un de mes très proches conseillers, il a été tué en plein jour à Beyrouth. Le Président Hollande avec l'Arabie Saoudite, quand il y est allé, ont décidé d'aider l'armée libanaise : elle a donné 3 milliards de dollars pour acheter des équipements français pour l'armée libanaise, pour combattre l'extrémisme. C'est important pour moi, pour le Liban."
"Je suis exilé depuis bientôt trois ans. Mon pays me manque beaucoup. Oui, j'ai une protection rapprochée : il y a des menaces. Ceux qui ont tué mon père peuvent me tuer."
Conférence sur la Syrie dans quelques jours. Que doit faire Bachar El-Assad ?
"Il doit s'en aller, partir. Il ne peut pas y avoir un Président comme Bachar El-Assad à la tête de la Syrie."
Russes et iraniens vont réussir à le convaincre de ne pas être candidat à sa réélection ?
"C'est le job de la Russie, de l'Iran : dire à Bachar El-Assad de s'en aller. Les syriens ne veulent pas de Bachar El-Assad. Bachar El-Assad, c'est lui le vrai Al Qaïda que tout le monde doit combattre aujourd'hui !"
Votre père construisait un Liban moderne et libéré. Que dit son fils aux libanais et au peuple arabe ?
"Jean-Paul II a dit du Liban que c'est un pays message : de coexistence, de pluralité, de rencontre, de modération. Mon père a donné sa vie pour défendre ce message. Moi, son fils, je continue à croire en son message, je continuerai à le défendre. Le Liban et les libanais le méritent."
Vous rentrerez dans votre pays ? En septembre, il y aura des élections : vous pourrez y retourner pour avoir une majorité et devenir Premier ministre ?
"Bien sûr ! Je vais retourner au Liban pour les élections et pour être un jour le Premier ministre."